accueil > blog’notes > Ceux qui racontaient

publié par Mickaël Adamadorassy le 03/08/06
Ceux qui racontaient leurs fugues au format 33t (mais avec un CD)
fugues-coverb1.jpg
Rarement projet aura aussi bien été à sa place dans notre rubrique "mouvement" que Fugues.

Mouvement... Pourquoi mouvement ? Je pensais à Nick Drake, "And the movement in your brain sends you out in the rain" (Things behind the sun). On pensait au cinéma, un film, a movie, un mouvement à 25 images/seconde. On pensait à ces élans qu’on ne peut réfréner, action-réaction immédiate, brutale, irréfléchie, séminale. La pulsion vitale. pour les grecs, la vie se définissait par le mouvement.

Mais quel est donc le rapport avec Fugues ?

Fugues c’est un ouvrage complètement atypique et qui pourtant semblera bien familier aux lecteurs du cargo, à ceux qui aiment et suivent la musique indépendante.

fugues-img2.jpg
Fugues c’est un collectif, mais je dirais plutôt des complices, réunis autour de Jérôme Olivier qui signe une bonne partie des textes tandis que la plupart des photos sont de quelqu’un là encore assez familier du Cargo : Nicolas Cuissard dont vous pouvez retrouver les travaux sur le camembert magique.

Fugues est à l’image de la musique qu’ils aiment, pas évident, pas droit, pas simple mais touchant, riche à donner parfois le vertige des mots comme le texte d’introduction de Philippe Pigeard de Tanger, parfois long à digérer, parfois limpide quand les mots de Coleen à coeur ouvert vous raconte la musique, sa musique, sur le fil du RER A. Des fois drôle et inattendu quand Philip Bückle (Mr Teamforest) vous parle de Final Fantasy avec une admiration qui semble sans borne dans un texte illuminé par l’humour de son auteur et une sorte de tendresse que l’on sent en filigrane pour Owen Pallett. Citons aussi les mots justes, la réalité sincère et un peu crue de Glen A Johson qui évoque lui la musique et son histoire personnelle comme un mouvement au sens propre, de déménagements en aménagements. Ce sont ces textes qui donnent le plus envie de découvrir les artistes dont parlent Fugues et c’est même une double réussite quand on a aussi envie de découvrir l’artiste qui parle de l’artiste.

fugues-img1.jpg
Et c’est ce jeu de miroirs qui fait la subtilité et la difficulté dans fugues : les textes des musiciens qui parsèment l’ouvrage semblent simples dans ce qu’ils nous révèlent sur eux et les autres selon eux, comme si la musique avait le pouvoir de libérer, d’apaiser le verbe chez certains. A contrario, les (non) chroniques imposent un format rigide alors que le contenu lui est subtil : Les auteurs de Fugues au premier niveau de lecture ne vous diront pas qu’un disque est du slowcore ou de l’electro-folk. Ils vous racontent des animaux étranges, font coincider des endroits et des sensations théoriquement disjointes. C’est la collision des mots dans un accélérateur de particules, où l’on cherche la sensation brute, les impressions, les sensations. Un prisme déformant qui révèle d’abord les auteurs et leurs urgences. Ce n’est qu’en lisant le tout, en s’imprégnant de la personnalité de celui qui écrit, que l’on décode le prisme et qu’on peut revenir en arrière et (re)découvrir l’artiste au travers. Fugues ne vous racontera pas The Red Room de Venus, il vous le montrera (sous) un autre jour.
fugues-img3.jpg
Cette façon d’écrire sans décrire est certes un peu moins présente passé les premiers disques mais elle me fait dire que Fugues n’est pas un objet pour le profane, il faut déjà posséder certaines clés, avoir certaines affinités pour en profiter pleinement mais l’objet, le concept, la qualité des textes comme la beauté des images, la sélection des artistes en font un ovni dans le paysage indé français qu’il serait dommage d’ignorer. Leur prise de risque devrait être récompensée pour leur donner envie d’aller encore plus loin. La sortie est prévue pour le 11 août 2006 mais Fugues sera présent en avant-première à la route du rock. Cependant pour que le projet aille jusqu’au bout, ils ont besoin de votre soutien : vous pouvez pré-commander Fugues (livret 34 pages + CD) pour 8 euros sur le site officiel.

Les très belles images qui illustrent cet article sont de Nicolas Cuissard. Retrouvez en encore plus dans Fugues et sur son site.

Partager :