accueil > articles > albums > cat power

publié par gab le 03/05/08
cat power
- jukebox
jukebox

à propos

à quoi voit-on qu’on vieillit ? Alors qu’on est encore tout chamboulé par les deux chiffres posés côte à côte pour souhaiter ces jours-ci l’anniversaire de notre frère aîné, la fièvre nous prend, le mal s’enracine, le doc est formel : si-on-nous-avait-dite aigue !
« - C’est grave docteur ?
- Pas vraiment
- ...
- Ce sera 42 euros.
- 42 euros ! ... si on nous avait dit ... »
Mais attention, ne confondez pas avec la sénilisante c’était-mieux-avantite chronique. Rien à voir. Autant cette dernière vous conserve dans le formol aigre d’une vie révolue, autant la si-on-nous-avait-dite en plaques vous oblige à toujours regarder ce monde incroyable qui vous entoure avec l’œil neuf et incrédule d’un hibernatus revenu d’entre les glaces (avec de funès en moins svp). Alors bien sur on pourrait s’extasier très facilement sur les progrès techniques réalisés depuis dix ans tel un Miossec découvrant tardivement que les bières s’ouvrent manuellement. On évoquerait ainsi l’accès grand public à la numérisation de la musique qui révolutionne le quotidien de tous nos petits musiciens en herbe, la numérisation de la photographie qui nous dresse des palissades hirsutes et déclenchantes entre la scène et le public dans les concerts, et évidemment, les feux qui s’allument automatiquement dès lors que votre véhicule (et pas que les rouge-lucifer parait-il) pénètre dans un recoin sombre ou que la nuit s’abat inopinément (on ne vous parle même pas des essuie-glaces qui s’activent de leur propre chef quand votre pare-brise se fait malencontreusement postillonner dessus). On pourrait mais ce serait un peu facile, surtout qu’étant né et ayant grandi dans une société où les progrès de ce genre ont toujours été exponentiels, et ce malgré notre grand âge, on ne voit rien là dedans qui puisse provoquer cette explosion de boutons suspecte qu’on voit là. Non, la si-on-nous-avait-dite purulente s’attaque plutôt à l’affectif, visiblement. Du genre, si on nous avait dit il y a un an que le développement des biocarburants en remplacement du pétrole (entre autres) entraînerait des famines ... voyez. En même temps on est couillons, c’était couru d’avance. C’est un mauvais exemple, la si-on-nous-avait-dite solitaire traite rarement de problématiques sur une période aussi courte, ni de sujets aussi légers. Ce serait plutôt du genre, si on nous avait dit il y a cinq ans alors qu’on embarquait sur ce rafiot qu’on y serait encore en 2008 ... voilà, parfait celui-ci. Notez au passage que la si-on-nous-avait-dite n’attend pas spécialement de réponse, plutôt un long silence et un hochement de tête. C’est un constat le plus souvent totalement dénué d’intérêt pour la personne en contact avec le malade à qui on conseillera juste l’accompagnement silencieux (mais l’œil intéressé) de ce moment qui, bien que chronique, est en général relativement bref et ne demande pas à être entretenu. Pas comme cette chronique qui commence à manquer sévèrement d’à propos.

encarts

Oui ... ne désespérez pas, on en arrive à Cat Power. C’est donc fort de ce diagnostique onéreusement contracté auprès de notre moustachu de médecin et alors qu’on vaque à nos occupations en notre bonne dalle de la défense que, stupeur, on tombe nez à nez avec une affiche colorée sur la porte d’une boutique de presse avec, on vous le donne en mille et d’un charmant triple déhanché : Cat Power ! (ça valait le coup d’attendre) Et là, forcément crise foudroyante, « si on nous avait dit ! mais si on nous avait dit !! oh la la, si on nous avait dit !!! » (la preuve on en a été bredouiller illico une bafouille si-on-nous-avait-disante sur le blog cargotien).

JPEG - 98.8 ko
Cette semaine on copie Cat Power
[Elle, 14 avril 2008]

Faut pas nous faire des coups comme ça aussi car on ne nous avait pas dit quand on a découvert, en ce jour béni de 1996, son "Nude as the news" sur une borne fnac qu’il y aurait un jour des couleurs pétantes, des déhanchés évocateurs, des devantures de maisons de la presse. On nous avait encore moins parlé des possibles évolutions musicales, l’abandon du minimalisme torturé, le chant méconnaissable, le changement de magasines spécialisés. Bon, on monte sur nos grands chevaux mais pour être tout à fait honnète, on avait déjà décroché, inévitablement, sur le memphisien album précédent, the greatest, et on regardait venir ce nouvel album avec méfiance et pas uniquement à cause des encarts Cat Power dans Elle et Marie-Claire (si on nous avait dit !). Ce n’est d’ailleurs pas notre snobisme de fouleur de marges musicales qui s’exprimait là mais une plus commune crainte de la déception, surtout que l’album de reprises, elle l’avait déjà magistralement réalisé il y a quelques années. En résumé ça sentait très fort le flop personnel cette histoire.

rosette

Or paradoxalement lorsqu’on s’est finalement penché sur son cas, à cet album, on s’est constaté une plus grande indulgence à son égard que pour son prédécesseur, le choc du changement étant passé sans doute. On tombe donc une première fois sur la fantastique version de "Metal heart" sur France inter (en journée, pas chez Lenoir ... si on nous avait dit !) puis on jète une oreille sur la version de l’album circulant à droite à gauche, enfin on nous parle élogieusement du cd de bonus distribué avec la version cartonnée et on se dit pourquoi pas finalement, on l’achète. Déjà si on nous avait dit qu’on achèterait un jour un Cat Power entre deux tranches de jambon et pas fébrilement dès sa sortie :
« - Qu’est-ce que je vous mets mon bon monsieur ?
- ...
- Quelques tranches de rosette-power ?
- Allez, on va se laisser tenter ... c’est pas très bon pour notre ligne mais bon, il va faire beau ce week-end ... »
Et sans grande surprise, après quelques écoutes, seules deux tranches s’avèrent réellement excellentes pour notre palet délicat. Le reste est écoutable, certainement, plutôt agréable même, mais ne nécessiterait guère plus de quelques lignes dans notre 20 minutes du matin (mais vous a-t-on seulement dit qu’il y avait un article sur Cat Power dans 20 minutes l’autre jour ? si on nous avait dit ... remarquez, si on nous avait parlé de la gratuité des journaux ...).

étalons

Donc pour l’instant, est-on jamais à l’abri d’un inattendu retour de rosette (un petit renvoi de bien-être), et pour ne pas nous éterniser dans des considérations sans intérêt, concision et précision, on est comme ça au cargo, nous vous conseillons très vivement l’enchaînement (les choses sont bien faites) "Metal heart" / "Silver stallion". Et pour ceux qui mettront la main sur la version deluxe, c’est vrai qu’il est pas mal du tout ce cd de bonus tracks (notamment le savoureux premier morceau, "I feel"), du feeling justement, ambiances sobres, une chanson en espagnol, il aurait gagné à déborder un peu plus sur le disque principal à notre avis. Mais revenons à nos étalons, "Metal heart" et "Silver stallion" donc. Déjà pour "Metal heart" ne vous laissez pas impressionner par votre conjoint qui se met à chanter du Christophe Mae par dessus (« Papaaaaaaaaaa ») à chaque fois rien que pour vous embêter. Aucune entreprise de déstabilisation de quelque envergure que ce soit ne vous détournera de ce splendide morceau, de ce piano simple et touchant, de ces guitares légèrement bancales et de ce chant dévastateur. Chan Marshall à son meilleur, toutes émotions dehors. Tout ça en respectant la nouvelle charte Cat Powerienne, comme quoi c’est tout à fait faisable d’allier le savoir faire émotionnel des premiers albums à un apaisement et une ouverture musicale. "Silver stallion" ensuite, l’envers de la médaille, douceur, une guitare, un bottle-neck, le plus simple appareil mais avec une rythmique et un chant suffisamment sophistiqués pour rester loin des morceaux écorchés des débuts. C’est net et sans bavures, joué sur un coin de canapé et pourtant si universel. Si on s’écoutait on lui commanderait bien un album complet de ce tonneau là, ça ferait passer la charcuterie.

récalcitrante

Et parlant de charcuterie, c’est pas le tout de faire la causette musicale comme ça sur le pas de la porte mais, docteur, cette si-on-nous-avait-dite récalcitrante, elle se soigne ou bien ? Non parce qu’on s’inquiète un peu mine de rien, c’est qu’on la sent venir la lame de fond, l’ultime crise, celle dont on ne se relèvera pas, la der des ders, celle déclenchée lorsque l’irréalisable se sera enfin matérialisé. Mais si voyons, ne l’entendez-vous pas gronder au loin, on l’attend (plus) depuis presque vingt ans et voilà qu’on nous assure que des places de concert sont à vendre pour cet été (on demande à voir) ... Quoiqu’il en soit, on aura beau se voiler la face, si on n’y prend pas garde un de ces jours on tombera sur un nouvel album de My bloody valentine dans les bacs... et ce jour là, ce jour là ...

Partager :

publié par le 03/05/08
Derniers commentaires
vinciane - le 12/05/08 à 16:02
avatar

je crois que rétrospectivement, tu viens de donner une étymologie à l’expression ’tailler le bout de gras’

gab - le 14/05/08 à 11:20

hi hi hi ...