Une fois n’est pas coutume, zoomons sur un webzine concurrent, il n’y a pas de raison, quand l’initiative est bonne, "Rejoice"* comme chantait l’autre. Déjà mettons-nous d’accord sur le terme concurrent pas forcément très heureux, ce n’est pas une course non plus, mais bon collègue ne marchait pas, ami non plus puisqu’on ne se connait pas, au final estimé serait surement l’adjectif le plus approprié, donc oui, pour une fois sortons-nous les yeux du nombril et braquons nos projecteurs sur le très estimé webzine à découvrir absolument … et plus particulièrement sur leur excellente série de tribute albums. Hum, on entend déjà les grincheux ironiques, « des tribute albums, c’est super original dis-donc ! », on va donc traiter ce souci là en premier, ce sera fait. Convenez avec moi que ce qui compte dans ce genre d’entreprise n’est pas forcément l’idée en elle-même (encore que) mais le traitement qu’on en fait. Or chez ADA (à découvrir absolument) on a des idées et on a surtout de la suite dans les idées. Il y a donc un peu plus d’un an, ils lancent leur projet de tribute album, mais pas le tribute de base où chaque groupe reprend un titre choisi parmi la foultitude des morceaux de la discographie du groupe, ce serait trop simple, il s’agit ici de reprendre un album spécifique, un album marquant (tant qu’à faire) et de le ressortir avec les morceaux dans l’ordre original, comme ça pour voir. Et quand on s’appelle « à découvrir absolument », le choix du premier album à passer à la moulinette s’imposait de lui-même, ce serait le fabuleux #3 de Diabologum. Quelle bonne idée.

palettes

Depuis le temps la renommée d’ADA n’étant plus à faire, notamment leurs fameuses compilations de nouveautés régulièrement téléchargeables en ligne, c’est sans trop de mal (on imagine) qu’ils ont réuni les dix participants au projet. Plus dur peut-être dans la multitude des morceaux reçus, fût de trouver une cohérence à l’ensemble. En tout cas le résultat n’en laisse rien sentir, les dix morceaux de l’album sont là et bien là, cohabitant au mieux, certains relativement proche des originaux ("De la neige en été", "A découvrir absolument") d’autres franchement éloignés (le librement-inspiré-de et très réussi "Une histoire de séduction", le futuriste "365 jours ouvrables") en passant par toutes les palettes intermédiaires (notre préféré "Les angles"). Et le plus surprenant finalement est que cela fonctionne, que l’album tienne la route dans son ensemble, qu’on l’écoute plus que la petite fois de la curiosité, qu’on y revienne … on en est les premiers étonnés.

tranchante

Les mois passent et ADA se rappelle à notre bon souvenir avec le petit deuxième de la série : Dry de PJ Harvey. Décidément c’est un sans faute, deuxième disque issu de notre Top 20 personnel, deuxième fois où notre première réaction est « merde, si j’avais su, j’aurais tenté ma chance » et surtout deuxième franche réussite constatée une fois les morceaux en écoute. Mieux même que le précédent, chaque morceau est original, intrigant et accrocheur. Dès l’intro d’un "Oh my lover" drum’n’bass (enfin je crois, je suis loin d’être un expert) on bascule, on s’en prend plein les oreilles, chaque groupe revisitant très différemment les titres (la palme allant aux cuivres de "Victory"), chaque groupe apportant sa pierre à l’édifice. Même "Hair" qui au départ nous rebute un peu (son chant surprenant), finit par intégrer pleinement l’ensemble de l’épopée musicale. Le seul reproche qu’on pourrait faire finalement est d’avoir amoindri l’impact du disque en ajoutant en bonus trois versions non retenues pour l’album principal. Il me semble qu’une version complète, définitive de l’album, aurait été encore plus tranchante et imposante.

brinquebalant

Et puis, voila, on s’attarde un peu sur le site d’à découvrir absolument, on lit les réponses des participants au questionnaire PJ Harvey qui accompagne l’album, et on tombe sur l’appel à participation pour le prochain tribute, ce sera donc Remué de Dominique A. Et là ça commence à faire beaucoup, troisième album culte, troisième tentation, cette fois sera la bonne, lançons-nous, tentons notre chance, c’est décidé le cargo rendra compte de comment se passe de l’intérieur une sélection pour un tribute album (la bonne excuse). Déjà un problème technique se pose quand on est piètre guitariste et qu’on doit s’attaquer à un album aussi dense et peu conventionnel que Remué, quel morceau choisir ? Quel morceau est ne serait-ce que jouable d’ailleurs ? On commence bien sur par se remettre le disque, on joue deux ou trois accords par-dessus et on s’arrête sur "Ma vieille tête", son petit rythme chaloupé et surtout un des morceaux les plus « chantés » du disque. Je vous la fais courte (ce n’est pas comme si ça avait un intérêt extraordinaire non plus), une petite suite d’accords (piquée chez Cure**), un petit xylophone niveau débutant (façon massacre du Velvet Underground***), un chant un peu tremblotant (seul clin d’œil non maitrisé à Dominique A.), une petite batterie discrète commandée à son compère par internet et le morceau est là, brinquebalant mais là. Ensuite on suit les instructions, envoyer avant janvier le morceau à ADA et sortie prévue en mars. Et on attend … on attend … mars arrive, pas de nouvelles que ce soit par email ou sur le site. Ce n’est pas comme si on s’attendait à être retenu non plus mais on aimerait bien voir le résultat quand même. On oublie un peu, fin avril ça nous revient, mais au fait ? Et là, surprise, c’est en ligne ! Et, pas surprise, on n’est pas dessus.

cabossée

Si cette tentative de démystification tributeuse est plutôt loupée (de notre point de vue en tout cas), essayons tout de même une écoute objective de l’album. Déjà, clarifions les choses, il n’y a pas photo entre notre version toute cabossée de "Ma vieille tête" (elle aussi cabossée) et celle retenue au final. Pas de regrets donc, et puis ça aura été marrant de remettre un peu les mains dans le cambouis. Par contre, force est de constater que le résultat global nous emballe moins que les deux précédents opus. Il faut dire que l’exercice était difficile, reprendre Dominique A., ses textes et son chant hors-normes. Ca n’a pas l’air comme ça mais pour avoir essayé, on confirme les difficultés, et d’ailleurs on constate que les morceaux qui peinent à se hisser au niveau pèchent en général du côté chant. Globalement moins réussi donc mais individuellement, certains groupes s’en tirent très bien. Quelques morceaux gagnent donc à la réécoute, le superbe "Encore" à la sensualité exacerbée, "Ma vieille tête" relativement proche de l’original mais impeccablement exécuté, "Le détour" et sa simplicité clairement payante et enfin, last but not least, le noisy-popeusement décalé "Surestimé" (seule relecture vraiment personnelle avec "Encore"). Et puis comme pour le tribute de PJ Harvey, dommage que quatre morceaux bonus (dont trois "Rien qu’à voir", ça fait beaucoup) viennent à nouveau amoindrir l’impact de l’album.

trace

Maintenant on ne peut pas réaliser l’exploit à chaque fois et comme on l’a vu, les difficultés ne sont pas les mêmes non plus selon le disque retenu. Reprendre un album comme Remué est globalement plus délicat que Dry, ne serait-ce que parce que tout traitement électro (souvent à la base des relectures tout de même) rapprochera inévitablement la reprise du morceau original et donc surprendra/enthousiasmera a priori moins l’auditeur. Mais c’est tout l’intérêt de varier les cibles et d’ailleurs pendant ce temps ADA trace sa route, le prochain tribute sera donc un Grandaddy (The Sophtware Slump) et je crois bien qu’il est encore possible de tenter sa chance, avis aux amateurs. En ce qui nous concerne, on passe notre tour pour cette fois, la quatrième sélection sort enfin de nos albums absolus, on va à nouveau pouvoir dormir tranquille. Jusqu’au prochain**** choix en tout cas …

* Une idée pour un prochain tribute : October de U2.
** On ne conseille guère un album de The Cure vu le nombre de tributes déjà existants
*** Par contre une relecture du fameux premier album du Velvet Underground, ça aurait de la gueule
**** Nowhere de Ride ? (là on défaille) Un gros Pixies ? (wouhou !) … ou alors pour donner une chance aux mous du chant comme nous, un petit frenchie Vincent Delerm ? Pas facile-facile, au final, le choix d’un tribute album ...

Les tributes ADA

- Compilation hors série 1 "Diabologum #3"
- Compilation hors série 2 "PJ Harvey Dry"
- Compilation hors série 3 "Dominique A Remué"