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publié par gab le 12/01/05
luke
- la tête en arrière
la tête en arrière

programme

mais qu’est-il donc arrivé à luke ? quel taon furieux a bien pu piquer la bête ? alors qu’on assiste ces jours-ci à un retour fracassant de l’animal, avec au programme une bien belle ruade, on en est toujours à rechercher le pourquoi du comment de la chose ... le principal pourquoi, et pas le moins inquiétant d’ailleurs, étant bien sur le suivant : pourquoi, alors qu’on a l’impression d’en voir toutes les ficelles, n’arrive-t-on pas à enlever cet album du discman où il effectue depuis deux semaines une rotation quasi-continue ? mystère.

mollesse

on avait découvert luke en 2001 avec la vie presque, très bon premier album fortement marqué coldplay pour la musique et miossec pour les textes et le chanter-parler. une belle idée de rencontre au demeurant avec un résultat finalement assez original et agréable à l’écoute. musique aérienne, chant très calme, textes introspectifs murmurés en confidence, tout ce qui nous avait charmés à l’époque a aujourd’hui disparu à nos oreilles. tout est à recommencer. leur a-t-on reproché trop de mollesse ? est-ce là le résultat des changements au sein du groupe ? (ils ne sont plus que deux à être présents sur les cinq de l’époque). ou est-ce l’envie de tout envoyer balader, de repositionner ses bases ? et à ces interrogations légitimes viennent hélas se greffer d’autres questions nettement plus terre-à-terre et moins agréables à formuler : qu’en est-il de la part de calcul ? qu’en est-il de la recherche du tube salvateur ? or si on s’en veut de ces pensées impies, on arrive malgré tout difficilement à s’en défaire tellement le revirement est flagrant.

hispanisant

avec la tête en arrière, le nouvel album en question, luke se transforme en héritier volontaire d’un noir désir désagrégé. c’en est désarmant d’évidence voire de naïveté. de par les musiques bien sur mais comme pour la référence coldplay de l’album précédent, on passe aisément par-dessus (ce ne sont ni les premiers, ni les derniers). non, c’est surtout face à ce chant métamorphosé, bagarreur, face à cette voix qui se découvre un grain ("à la ..."), face à l’emploi de certains termes et certains thèmes de société. et si on avait encore le moindre doute, on nous sert même un petit refrain hispanisant par ci et un petit harmonica des familles par là pour dissiper tout ça. notons au passage que le très réussi "ressources humaines" serait chez lui sans problèmes sur du ciment sous les plaines, c’en est troublant. on me dira évidemment que prendre des références appuyées à un groupe qui a maintenant vingt ans d’âge, ce n’est pas une pratique bien nouvelle et qu’ayant grandi avec noir désir, il est normal que ... mais le plus intrigant dans cette histoire vient des paroles car si l’on peut facilement agir sur la musique, il est en général plus difficile de changer sa façon d’écrire du tout au tout (à moins qu’il y ait une volonté ferme derrière tout cela). on avait laissé luke sur des textes longs et fournis, à pleines phrases on nous relatait du mal-être, des déboires amoureux, le tout de façon plutôt humble et recueillie. un regard intérieur sur le passage à l’âge adulte très juste et bien senti. or avec ce nouveau disque, luke change son fusil d’épaule pour adopter un ton sec, des paroles assez hermétiques et surtout très claquantes. une légère déception s’empare d’ailleurs de nous à la première écoute face à tant d’affirmations scandées crânement. luke cherche visiblement à nous interpeller, à nous faire réagir mais heureusement se garde de franchir, bien qu’il le frôle par moments, le tracé délicat qui le sépare encore d’un groupe poseur et donneur de leçons. ils restent donc tout à fait crédibles (ce n’est pas saez non plus) et c’est suffisamment bien fait pour qu’une fois entré dans les morceaux, on se surprenne à bien apprécier les paroles et notamment leur homogénéité sur l’album tout entier.

délectation

et on se surprend à aimer ... malgré les ficelles donc, malgré le doute sur les éventuels calculs (que l’on met vite de côté) ... et on se surprend à l’écouter, deux, trois fois par jour, à ne plus vraiment pouvoir s’en passer. il faut dire que l’album commence fort : trois morceaux, trois tubes incontestables qui suffisent à retenir l’attention des premières écoutes le temps de dépasser le scepticisme et de se familiariser avec la nouvelle donne. ensuite il est déjà trop tard, le piège s’est refermé, on se retrouve accro à l’énergie et à cette voix si charismatique. dépassées les petites questions sans importance sur des morceaux comme "petite france", "hasta siempre" ou "tout va bien", on cède sous les coups de l’adrénaline, légèrement corrompue certes, mais irrésistible quand elle remonte là, dans le bas du dos. la recette est si bien réalisée qu’on n’a cesse de revenir tremper les doigts dans le plat et les lécher avec délectation. enfin, dans un méchant retour de flammes, les questions reviennent balayer nos falaises : et si on ne se fiait qu’aux sensations ressenties ? cela n’en ferait-il pas un superbe album tout simplement ? ... et puis bon, comme on s’en fout un peu de la "relève ou pas relève", comme on a fait valser les questions, on va, une fois encore, s’en retourner tel une mouche se coller aux yeux de l’animal, cette monture droite et fière qui nous attend le pied ferme, l’œil torve et l’écume aux lèvres ... la tête haute, bien en arrière.

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publié par le 12/01/05
Informations

Sortie : 2004

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