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publié par gab le 27/09/06
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catchers

cerise

Une fois n’est pas coutume, cela commence par la cerise sur le gâteau, une black session ... et pas n’importe laquelle, la perle des sessions, celle qui détrônera toutes les autres, celle qui signera la mort d’une cassette audio puis l’essoufflement d’une deuxième, celle qui eut lieu fin septembre 1994, celle des savoureux Catchers. ça commence bien. Mais resituons un peu pour les plus jeunes d’entre-nous : ils sont irlandais, leur premier album n’est pas encore sorti au moment des faits (juste le Shifting Ep) et ils sont déjà en prime time chez Lenoir sur France Inter. Ils ont 19 ans à tout casser (nous à peine plus) et ils nous mettent la claque qui fait mal en nous livrant une suite de morceaux à l’évidence instantanée. Et on est très rapidement subjugués par les facilités mélodiques et l’écriture de Dale Grundle, sa sensibilité, son chant limpide et sa voix bouleversante ; impeccablement secondé de ce côté-là par Alice Lemon qui, plus extravertie, apporte un complément idéal dans les morceaux calmes autant que dans les tueries pop. De quoi dégoûter à vie le pauvre pecos qu’on est et qui s’essouffle sur ses maigres compositions dans sa chambre d’étudiant tout en exaspérant ses voisins ...

aléas

La black session de nos rêves donc avec pour commencer quelques titres acoustiques, et pas des plus mauvais : l’inégalable "Beauty n°3", le délicat "Sleepy head", l’aérien "Come around" (avec son charmant refrain en décalage vocal) et le poignant "Epitaph". Dale, sa guitare et Alice nous prennent par surprise pour un premier uppercut déstabilisateur. Les voix sont à l’honneur, c’est superbe, on est d’emblée conquis par une telle maîtrise de l’émotion, par leur fraîcheur et l’entrelacement des chants. Il y a une vraie originalité à ce niveau là puisque même si Dale fait office de chanteur principal, Alice n’en est pas pour autant réduite aux chœurs de base, elle ne chante pas en permanence mais se love toujours à merveille dans son chant à lui, c’en est troublant. Les voilà ensuite qui enchaînent avec le groupe au complet et de façon électrique ce qui permet à leur talent pop d’éclater avec des "Christina", "Country freaks", "Apathy" (et Alice en première voix) ou encore les tubes "Shifting" et "Cotton dress". C’est enlevé, impeccablement exécuté, l’impact est profond à chaque nouvelle chanson. Et puis arrive la magie impromptue, les aléas du direct, à peine deux morceaux exécutés dans la session électrique et la batterie tombe en rade. Ni une, ni deux, Dale et Alice repartent en acoustique pour ce qui reste aujourd’hui encore le plus beau morceau mélancolique jamais écrit et interprété. Si. "Summer is nearly over", que Dale nous autorise très gentiment à mettre en écoute ici même (Summer is nearly over). Allez, concours d’automne, si vous nous trouvez un morceau qui arrive ne serait-ce qu’à la cheville de celui-ci, on vous envoie un cd de notre stock en cadeau (concours à vos risques et périls, vous n’imaginez pas les horreurs qui dorment au chaud dans nos tiroirs). Pour revenir à notre fin d’été, c’est bien simple, on sera littéralement hanté pendant des années par tant d’émotion, de tristesse, de beauté, d’harmonie entre les deux voix ... à tel point qu’on n’est pas bien sur de s’en être complètement remis à ce jour, douze ans après.

dithyrambique

Dans l’idéal on aurait terminé la chronique là-dessus, dithyrambique du début à la fin, tranquille, vous étiez 50 000 à écrire à Bernard Lenoir le sommant de repasser la session la semaine prochaine. Dans la foulée et face au succès de la chose, sortait le DVD de la black session et c’était bon, on pouvait se renfermer pour les douze prochaines années avec l’image en plus. Mais bon, comme ils font les choses à l’envers, qu’ils commencent par le concert mythique, allons-y gaiement, passons aux albums studio du groupe.

autumn

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Dans la foulée arrive donc l’album Mute et ses superbes photos, très en phase avec l’esprit musical. On y retrouve évidemment une grande partie des titres joués chez Lenoir, tous ces morceaux qui nous ont fait craquer (d’un "Beauty n°3" plutôt dépouillé au joyau "Cotton dress"), tous à l’exception notable de "Summer is nearly over" et "Christina" présents sur le Shifting Ep. Ils nous ont aussi fort heureusement laissé quelques perles à découvrir comme le sautillant "La luna" ou encore le deuxième plus beau morceau mélancolique de tous les temps : "Song for autumn". Une nouvelle chanson acoustique magnifique à deux voix. L’idéal pour ruminer pleinement son spleen post-adolescent, pour savourer une rupture difficile, pour s’abîmer en mer par jour de tempête. Mais il est temps de faire une petite pause ...

[pause] Face au risque flagrant de sur-enthousiasme qui nous guette, prévenons l’overdose et abordons les choses qui fâchent. Il n’y en a pas beaucoup malheureusement, il n’y en a même qu’une : le son. Il faut dire que l’album à maintenant une douzaine d’années et, comme ça arrive souvent, il n’a pas très très bien vieilli de ce côté là. Au rang des griefs, les inévitables nappes de synthé mais aussi quelques sons de guitare électrique et même certains effets sur la voix d’Alice. Cela donne au final un album assez daté dans le temps (un petit côté années ’80) et pas si facile à réécouter malgré la qualité des chansons. On réécoute nettement plus volontiers la black session par exemple. [fin-de-pause]

Parlant de qualité, on n’a pas encore évoqué le dernier élément fondateur de notre engouement pour les Catchers, il s’agit bien entendu des textes. Souvent relégués au banc des remplaçants, surtout en anglais où tout sonne bien, ils atteignent ici un niveau impressionnant pour de si jeunes gens. Ceci dit, comme on le mentionnait plus haut, il faut sans doute être un minimum sensible aux affres existentiels du passage à l’age adulte pour en goûter pleinement la saveur. Mais c’est loin d’être une obligation, sensibilité étantle maître mot chez les Catchers, que ce soit dans le chant, la voix ou les paroles.

pop’colique

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Ce qui nous amène quatre ans plus tard au deuxième album du groupe au titre très évocateur, Stooping to fit. Et ici pas de problème de vieillissement sonore précoce puisqu’on nous propose notamment des arrangements de vraies cordes par Robert Kirby (au même poste chez Nick Drake), des guitares impériales et globalement des morceaux plus construits et complexes. On quitte donc les évidences pop, tout en conservant le savoir faire. L’écriture a mûri, le groupe s’est enrichi d’un deuxième guitariste et gagne en tension sur "Half awake" (la combinaison cordes-guitare électrique saturée fonctionne parfaitement), en efficacité pop’colique sur l’excellent single "Call her name" (et son refrain dévastateur), en rebondissements sur "This is not my home" (mélange de douceur et de montées d’adrénaline tendues à souhait), mais aussi en « champêtrerie » avec le délicieux "Aqualapping", petit chef d’œuvre tout en retenue, tendre et bucolique comme on aimerait en entendre plus souvent. Les Catchers en profitent aussi pour tenter des expériences loin de leurs bases avec une petite incursion électronique sur "Ribbons". écart très réussi pour un morceau ayant déjà fait ses preuves en concert de façon plus classique et qui prend ici encore un peu plus de poids et d’intensité pour finir dans une transe charnelle alors que les personnages se soustraient au monde (en passant, ce morceau détient aussi la palme de la plus belle entrée en matière pour son « this room is older than us together » d’anthologie). Mais le grand gain des Catchers sur cet album tient sans doute dans son évolution vers la douceur, côté musique à l’instar de l’arpégé "When I get over you" ou encore des couplets de "Deflect", et sur la majorité de l’album côté voix, la délicatesse du chant de Dale s’imposant sur la longueur comme rarement. Et si les cordes en font un poil trop sur la fin du disque, on est tout de même ravi de retrouver Alice en chant principal sur "Spellbound" ainsi que leur ancienne pop incomparable (façon black session) sur "Come around", véritable pont entre les deux époques. Finalement le seul morceau auquel on n’accroche pas vraiment est celui qui vient clore l’album, "In the way". Il est pourtant bien placé puisqu’il permet à l’album de se terminer dans le calme après l’énergique "Come around", mais non ... ce sont peut-être les couplets plus parlés que chantés, voire le solo de guitare ebowé (pourtant objectivement très réussi), allez savoir ...

évaporés

On a ensuite bel et bien perdu de vue les Catchers. Pas d’information de rupture mais pas de nouvelles non plus, discrètement évaporés. Et puis chose amusante, alors que ça fait un bon moment qu’on pense écrire sur eux, qu’on s’est enfin décidé à numériser la black session, qu’on s’est même lancé dans la rédaction de l’article, voilà qu’on découvre (dans cette interview) que Dale revient avec un nouveau projet, The Sleeping Years (myspacé ici même), et qu’il cherche une maison de disques ... hum, que ne ferait-on pas si on était maison de disques ...

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publié par le 27/09/06
Derniers commentaires
Jibrail - le 30/09/06 à 23:21
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Merci d’évoquer cette merveille de groupe que j’avais également enregistré par hasard sur Inter, à un siècle où existait encore les cassettes. Cassette précieusement conservée et numérisée (avis aux amateurs).

Leurs premiers ep’s sont inoubliables, gravés dans mes neurones tant qu’Alzheimer me les épargnera. Espérons que Dale Grundle puisse renaître et trouver le succès dans son nouveau groupe.

arnaud - le 13/10/06 à 12:36
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Dans mes souvenirs, ils sont + gallois ou écossais qu’irlandais...Vous êtes sûrs ?

gab - le 13/10/06 à 14:15

Si on se fie à la bio sur leur site http://www.thecatchers.co.uk,
il semblerait que oui ;-)

extraits :
Catchers began as a four piece band in Portstewart, a small town in Northern Ireland. This was where Dale Grundle wrote the debut album, ’Mute’.

"My house was about 50 yards from the sea and its sound filled my room night and day. It was inevitable that I would write about growing up in such a beautiful place".

Elise Daisty - le 06/11/06 à 14:23
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Je viens de revivre ce moment d’émotion en vous lisant ... alors là .. oui c’etait une des meilleurs Black Session .. Moi aussi je l’ai usé ma cassette snif snif ...
Merci de me rappeller à de si bons souvenirs ...

mic - le 20/09/07 à 19:38
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Leur abum ’Mute’ est merveilleux , mais je ne peux l’ecouter sans penser qu’il faut baigner dans l’insouciance de l’adolescence pour ecrire de telles chansons , et peut etre pour les ecouter aussi. D’où le sentiment de nostalgie qui m’etreint quand j’ecoute ’Cotton dress’ par exemple . Les Catchers resteront eternellement gravés dans ma memoire.Merci pour cet article !

greg - le 23/02/10 à 23:17
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marrant, j’ai réécouté il y a peu cette session enregistrée aussi sur k7.. Très bon, avec l’accident de pédale de grosse caisse vers la fin, et l’excellent "jesus spaceman" pour finir.
MAis y ’ne a eu d’autres des bonnes sessions,j’ai perdu ma k7 de death in vegas (la session de 2000 je crois), si qqu’un l’a, voici mon mail : greg *arobas* cosmosonic.com