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publié par Mélanie Fazi le 22/03/11
Anna Calvi
- Anna Calvi
Anna Calvi

Le pire ennemi d’un album est peut-être le buzz qui l’entoure. Quand on découvre avec un temps de retard un jeune artiste sur lequel tout le monde s’extasie, il devient difficile d’écouter sa musique avec une oreille vierge. Dans ce contexte, le cas d’Anna Calvi nous pose problème. Les réactions paradoxales que l’album aura provoquées chez nous semblent être avant tout des réactions contre : d’abord contre l’enthousiasme général, puis contre notre déception initiale. Lors des écoutes répétées de l’album, on sera passé tour à tour de l’un à l’autre sans jamais parvenir à trancher.

Perplexité

La toute première rencontre avec cette musique nous a laissé perplexe. On avait entendu vanter ça et là l’intensité de ces chansons et de cette voix. La presse citait des parrains prestigieux comme Brian Eno, alignait les comparaisons allant de PJ Harvey à Jeff Buckley (références si souvent brandies à tort et à travers qu’on apprend à s’en méfier). D’où notre étonnement, à la première écoute, de trouver cet album si fade. Pas franchement mauvais, mais tout de même assez quelconque. Rien qui accroche l’oreille, rien qui nous parle vraiment. Et surtout, la voix nous a paru tristement dépourvue d’aspérités, bien trop lisse pour parvenir à nous impliquer corps et âme.

Le buzz aura au moins servi à nous convaincre de nous accrocher, ne serait-ce que pour nous assurer de ne pas passer à côté d’une pépite. Sans lui, nous aurions bien vite abandonné l’album à prendre la poussière sur une étagère. Petit à petit, une autre impression a fini par émerger. Sans jamais nous convaincre pleinement, mais certains passages commençaient à nous parler. Restait tout de même une impression de morceaux boiteux, où de belles envolées cohabitaient avec des moments moins convaincants qui empêchaient la sauce de prendre réellement. Par exemple “The Devil” auquel il ne manque pourtant pas grand-chose pour emballer, mais où les fioritures à la Jeff Buckley semblent un peu forcées. “Love won’t be leaving”, l’un des morceaux les plus réussis, s’ouvre sur d’envoûtantes arabesques de guitare évoquant cette tension d’avant l’orage qui hante les meilleurs morceaux d’Elysian Fields, effet malheureusement un peu gâché par un refrain plus sage. Les chansons qui parviennent à convaincre sur toute leur longueur se comptent sur les doigts de la main. Citons tout de même “I’ll be your man” et l’envoûtante “First we kiss”.

Cygne blanc

Que manque-t-il donc à cet album pour nous emballer réellement ? Une plus grande constance dans la construction des morceaux, une voix qui possèderait plus de présence et de substance, capable d’insuffler plus de trouble dans ses murmures, plus de passion dans ses envolées. Le parallèle avec le film Black swan sorti à la même époque est tentant : on a l’impression d’entendre un cygne blanc à la technique impeccable mais trop sage, là où l’on rêve d’un cygne noir capable de davantage de folie et de noirceur vénéneuse. Certains morceaux pourtant impeccables dans leur écriture en pâtissent quelque peu (par exemple “No more words” où la voix murmure sans la conviction nécessaire et tombe à plat). Peu de morceaux emballent de bout en bout : il y a dans chacun ou presque quelque chose d’intéressant, et quelque chose qui fonctionne beaucoup moins.

On ne saura jamais si cet album nous a déçu parce qu’on en attendait autre chose que ce qu’il a réellement à offrir. Auquel cas ce n’est pas rendre justice à Anna Calvi que de la juger à cet aune. Peut-être aussi fait-elle partie de ces artistes dont la musique ne prend sa mesure que sur scène, et dont l’album ne donne qu’un aperçu trompeur. Nous lui accorderons donc le bénéfice du doute, ainsi qu’une deuxième chance. Mais la première rencontre ne nous aura pas réellement transcendés.

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publié par le 22/03/11
Derniers commentaires
Gromovar - le 22/03/11 à 22:53
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La meilleure est First we kiss imho. C’est là qu’elle use le mieux de sa voix.
Tu devrais écouter aussi le mini 2 titres, qui est plutôt mieux que l’album.

Mélanie Fazi - le 22/03/11 à 23:27

Je le note. Et on est bien d’accord sur "First we kiss", je lui trouve une intensité qui manque au reste de l’album.