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publié par gab le 15/03/08
the sleeping years
- we're becoming islands one by one
we're becoming islands one by one

Quelle sensation étrange. Découvrir un nouvel album studio dans lequel on connaît déjà quasiment toutes les chansons. Ce doit être une première. Et c’est d’autant plus étrange que ce ne sont pas de vagues connaissances, des écoutées-de-passage, non, elles ont tourné ces mélodies, elles ont rempli - et bien rempli - notre année 2007, elles nous ont transporté, nous ont fait rêver. étrange et un peu difficile en fait d’entrer comme ça dans des versions différentes mais pas tant que ça de morceaux qu’on connaît sur le bout des doigts. Nous voila tout décontenancé, perturbé au point d’en oublier jusqu’aux règles les plus élémentaires de politesse ... messieurs-dames, The sleeping years, We’re becoming islands one by one.

isolement

Et déjà pour prendre les choses dans le bon ordre, ce superbe titre d’album, ou comment envelopper tout en mélancolie la trentaine, nos vies urbaines, les renoncements, l’isolement progressif aux autres, à nous-mêmes, les responsabilités, toutes ces choses dont on pourrait parler à nos voisins d’écrasement rerien si on savait encore aller vers les gens, parler à des étrangers, s’il n’y avait pas toute cette agressivité, ce repli sur soi, cette méfiance ambiante. On écoute donc "The lockkeeper’s cottage" boule dans la gorge du délabrement de notre société, de la perte de confiance de ses membres les uns envers les autres, la voix de Dale sensible et déchirante comme jamais, le violoncelle de Michelle, souffle reposant d’une campagne oubliée, d’une enfance révolue. Bouleversant.

cran

Mais on évoquait certaines difficultés en introduction, reprenons donc le fil de notre pensée. Comme toujours quand on découvre des versions alternatives de morceaux bien connus, il faut un temps d’adaptation, le temps de se sortir de son île justement, de quitter son coco(o)n, de s’ouvrir aux morceaux. Et passées les premières impressions étranges dont on parlait, au bout du compte, pour ces morceaux là du moins, c’est soit l’enchantement, soit la légère déception. L’enchantement tout d’abord pour "The lockkeeper’s cottage", "Macosquin, Coleraine" ou "Dressed for rain", morceaux tout en émotion, qui par rapport aux eps de l’an dernier profitent de l’expérience payante de la scène et, pour deux d’entre eux, de l’ajout bienvenu de violoncelle, emmenant les morceaux un cran plus loin vers la beauté et nos tremblements. "You and me against the world", plus compact, plus soutenu, est lui aussi en tous points réussi et enfin "Islands", belle interprétation et éclosion sur album du morceau présent en version démo sur l’escale #2, dernière compilation en date du cargo. Petite déception par contre pour nos deux chansons préférées sur ep, "Setting fire to sleepy towns", moins émouvante ici avec batterie, et surtout "Clocks and clones" jouée à une vitesse étonnamment rapide. Il faut dire qu’elles étaient particulièrement réussies à la base, il était donc difficile de reproduire la magie tout en les faisant évoluer sur l’album. Petites déceptions sans doute renforcées aussi par le fait d’avoir si peu de nouveaux morceaux à découvrir même si on se doutait bien qu’après avoir sorti une quinzaine de titres sur trois eps l’an passé, on resterait dans ce giron là, dans ce cadre connu. Au fond de nous, plus ou moins consciemment, on aurait aimé plus de nouveauté, exigeants que l’on est.

registres

Maintenant pour les quelques nouveaux morceaux, le problème de la comparaison ne se posant pas, on peut véritablement se laisser aller et profiter de la découverte. Et quel plaisir d’entrer dans le sensible et déchirant "The shape of things to come", de la grande mélancolie sleeping-yearsienne ou on n’y connaît rien. Quelle surprise à l’approche de "Broken homes" et de son chant qui s’en va explorer d’autres registres que le classique chant folk : plus aérien, joueur et délicieux sur les couplets, voltigeur et déroutant sur les refrains. Autre surprise avec "Human blues", batterie-piano, une respiration, un décalage au milieu de tous ces arpèges de guitare. Un peu le même effet que pouvait faire "Ribbons" sur le deuxième album des Catchers, un décrochage habile et un peu lancinant qui vous cueille sans crier gare et vous dépose à l’arrêt suivant comme si de rien n’était. Trois nouveaux morceaux donc, trois ambiances très différentes, trois excellentes raisons de compléter de ces îles les trois eps de l’an dernier. Et bien sur pour ceux que cette règle de trois ne concerne pas vraiment, vous qui ne possédez pas les dits eps, vous aurez la joie de découvrir pour la première fois ces superbes morceaux ... on vous envierait presque.

fonte

Enfin si de votre trentaine vous ne pouvez plus faire grand chose - attendre patiemment la quarantaine ? - ; oui, si comme nous vous réalisez un beau matin que vous ne savez plus vraiment aller vers les gens, simplement ; si vous constatez vous aussi que la montée des eaux - la fonte des corps ? - vous isole un peu plus chaque jour ; c’est forcément que vous avez été relié au continent à un moment donné, que vous avez su faire. Il est donc envisageable - possible ? probable ? - que vous sachiez faire à nouveau. Et si c’est vrai pour vous, d’un album qui noue les gorges et redonne des raisons d’espérer. Bientôt.

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publié par le 15/03/08
Derniers commentaires
Sfar - le 15/03/08 à 11:26
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trop bien :)