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publié par arnaud le 18/10/05
The Organ - Interview

Flashback. Paris, Point Ephémère le 15 août dernier. Devant une salle pleine à craquer (et une file d’attente d’une bonne centaine de mètres) les jeunes Canadiennes de The Organ sont contraintes d’annuler leur première prestation dans la capitale. Katie Sketch, chanteuse de ce groupe attachant, étant complètement aphone. Un peu décontenancées, ses quatre complices tenteront trois titres en version karaoké mais les mines déconfites en disent long, et les fans derrière le microphone ne se montrent pas à la hauteur. A la sortie c’est une Shelby au bord des larmes qui se confondra en excuses, nous promettant un nouveau passage en Novembre. En nous remémorant l’après-midi passé avec Shelby et Jenny, c’est encore plus attristés que nous quittons le quartier, tant elles semblaient impatientes de jouer devant le public parisien. Retour sur une conversation ensoleillée le long du Canal St-Martin, l’occasion de revenir sur l’enregistrement de Grab That Gun, premier album aux parfums nostalgiques, de parler des tournées, de culture gay et du téléchargement. Tout un programme en attendant impatiemment leur retour le vendredi 4 novembre.

entretien réalisé le lundi 15 août 2005 au Point ephémère, Paris. Avec Shelby Stocks (batterie) et Jenny Smyth (claviers). Merci à Sean de Talitres.

Historique

Le Cargo - Pour les Français, The Organ est un groupe tout neuf, puisque le nom est apparu sur internet il y a une dizaine de mois, et a fait son petit bonhomme de chemin grâce au bouche à oreille. A l’initiative du label bordelais Talitres, l’album Grab That Gun est enfin disponible de ce côté ci de l’Atlantique et vous figuriez même à l’affiche de la Route du Rock le week-end dernier. Pour ceux qui ne vous connaitraient pas encore pourriez vous nous faire une rapide présentation ?

Jenny - Alors pour ma part j’étais à l’origine dans Full Sketch avec Katie (chanteuse) et quand le groupe a cessé d’exister nous avons eu envie de continuer l’aventure ensemble. A l’époque Katie était à la batterie mais avait envie de passer derrère le micro... On a juste réuni quelques amies et c’est ainsi que The Organ a commencé.

Le Cargo - Vous connaissiez les autres filles auparavant ?

Shelby - Non pas vraiment.

Jenny - En fait on a d’abord rencontré Deb (guitare) par l’intermédiaire d’un de nos amis à qui nous avions confié notre souhait de monter un groupe. Il nous a conseillé Deborah car elle savait jouer de la guitare. On l’a rencontrée et on s’est tout de suite mises à jouer ensemble. Au départ nous avions une autre bassiste mais elle a dû laisser sa place à Ashley car elle voulait se consacrer à son métier. On l’a un peu obligée à jouer de la basse après l’avoir croisée dans une soirée. (rires). Même chose avec Shelby (qui hoche la tête), on lui a juste fait comprendre que nous avions besoin de quelqu’un pour assurer la batterie et elle a accepté.

Shelby - C’est ce que je voulais faire depuis toujours. Ca me branchait de tenter quelque chose sans avoir essayé auparavant. Et puis je prenais des cours avec ce prof qui me disait que la batterie c’est pas pour les filles... alors moi je perséverais... Comme quand tu entends à la fin des concerts « wow t’es plutôt pas mal pour une nana »...

Le Cargo - Donc au départ Jenny, The Organ c’était d’abord Katie et toi... étiez vous déjà installées à Vancouver à l’époque ?

Jenny - Eh bien Katie, Deb et moi avons grandi là-bas, les deux autres sont dans le coin depuis déjà pas mal de temps. Mais nous venons toutes les cinq de l’état de Colombie Britannique.

Grab That Gun et ses retombées

Le Cargo - Depuis que Grab That Gun est sorti l’an dernier en Amérique du Nord que s’est il passé pour vous ? Les choses ont un peu bougé non ?

Jenny - On l’a d’abord sorti au Canada, du coup on a tourné un peu dans le pays, puis on a trouvé un distributeur en Australie. En Angleterre nos singles et notre EP étaient déjà disponibles. Ensuite on a pu commencer à tourner aux états-Unis. Mais nous sommes encore un jeune groupe qui continue d’être découvert par le public, du coup nous attirons à chaque concert de nouvelles têtes. On a toujours l’impression qu’on vient juste de commencer en quelque sorte en dépit du fait que nous jouons ensemble depuis pas mal de temps.

Le Cargo - J’ai entendu dire que l’enregistrement de Grab That Gun avait été compliqué pour vous, d’un point de vue financier, qu’il vous avait fallu aller de studios en studios parce que vous ne pouviez pas vous payer assez de journées d’enregistrement consécutives. Pouvez vous nous en parler ?

Shelby - En fait nous n’étions pas contentes de la première version de l’album, par conséquent nous avons dû le ré-enregistrer en intégralité par nos propres moyens... C’est une époque où nous étions vraiment obligées d’être sympas avec nos amis pour qu’ils nous prêtent de l’argent (rires)

Le Cargo - Vous êtes satisfaites du résultat maintenant ?

Shelby + Jenny - (en choeur) Ouais !!!

Le Cargo - Et financièrement vous êtes en mesure de mettre le prochain en route ?

Shelby - Quand on sera de retour à la maison on va commencer à écrire pour le nouvel album qui devrait sortir l’an prochain. On espère obtenir une petite aide de la part de notre maison de disques. Mais c’est de plus en plus compliqué pour nous avec les tournées... On n’a plus le temps de garder nos jobs respectifs. Pour ma part j’ai lâché le mien il y a deux semaines... Donc il n’y a pas d’argent qui rentre. Mais en même temps je n’avais plus d’autre choix.

Le Cargo - Vous êtes toutes dans cette situation avec un job à côté ?

Shelby - Oui. Chacune dans le groupe doit avoir un boulot à côté... mais nous les perdons toutes les unes après les autres ! C’est pas possible de tourner longtemps en espérant garder un boulot !

Jenny - Mais bon ça reste quand même génial puisque nous vivons notre rêve au maximum.

Processus créatif et identité sonore

Le Cargo - Vous pouvez nous expliquer le processus créatif au sein de The Organ ?

Shelby - Habituellement c’est Katie (chant) et Deborah (guitare) qui bossent sur quelque chose de leur côté puis chacune rentre dans la danse et apporte son petit truc. Ensuite on essaie de mettre ça en forme... et c’est soit oui soit non... tout ce qui fonctionne pour nous a le droit d’être joué ensuite pour le public.

Le Cargo - Vous avez déjà deq nouveaux titres qu’on pourra entendre ce soir ?

Shelby - Oui ! (clin d’oeil complice)on en fait quelques uns sur scène.

Le Cargo - Même si Katie n’est pas parmi nous maintenant mais j’aimerais quand même vous poser une question au sujet des paroles. Il semble que la mélancolie, voire la nostalgie, sont des sujets récurrents dans vos textes, comment ressentez- vous le fait d’être étiqueté comme un groupe un peu triste, n’avez-vous pas peur de voir cette réputation de « groupe triste à tendance revival années 80 » vous poursuivre au fil des années ?

Jenny - Pour ma part je pense... que c’est plutôt le cas ! ça ne me dérange pas outre mesure.

Le Cargo - Vous n’avez pas peur de faire trop cliché ?

Jenny - Je crois trouver pas mal d’éléments évoquant le bonheur dans nos chansons... Mais c’est certainement compliqué d’être objective étant moi-même très impliquée dans le projet. En tout cas ça me rend joyeuse de jouer, et je pense voir certains aspects qui, à mon avis, suggèrent tout autre chose que la mélancolie ou la noirceur de l’âme, mais qui prennent peut-être ces couleurs en touchant l’auditeur.

Le Cargo - Je crois qu’il existe ce même paradoxe dans le son même de l’orgue que tu utilises. Les lignes mélodiques sont légères et gaies mais le son de l’instrument est plein de gravité et de nostalgie, comme ces orgues des patinoires de hockey qui rappellent l’enfance.

Jenny - Oui c’est ça. Vraiment. J’ai d’ailleurs toujours aimé cet instrument pour sa diversité.

Shelby - T’es sûre que ce n’est pas parce que ça te rappelle le sous-sol chez ta grand-mère ?

Jenny - (rires) à vrai dire... oui, ça me rappelle sûrement ses disques kitsch de reprises, des standards de la pop mais joués à l’orgue ! Voilà les albums les plus hilarants que je connaisse !!! Mais l’orgue m’évoque aussi les églises et tant d’autres choses.

Le Cargo - J’ai pour ma part tendance à penser que ce son si caractéristique est en grande partie responsable de cette impression de nostalgie de votre musique. Alors quand on y ajoute les paroles de Katie...

Shelby - Oui je crois aussi que ce son est un peu le ciment de chacune de nos chansons, dans sa gravité et ses notes sombres, il enveloppe et souligne encore plus les lignes de guitares de Deborah.

Le Cargo - Vous avez déjà une idée de la manière dont vous voulez que le prochain album sonne ?

Jenny - Difficile à dire pour l’instant... en plus on est du genre lentes pour le boulot !!! (rires) On va bosser sur un morceau pendant une année entière en répèt avant de le jouer en concert, tu vois... Peut-être aussi parce que ces chansons ont pour nous une grande importance donc on préfère les bichonner avant de les présenter au public.

Shelby - C’est vrai qu’on n’est pas pressées pour le songwriting !!!

Jenny - Je crois que c’est juste comme ça que les choses fonctionnent pour nous, entre nos différentes personnalités et qu’on ne peut pas forcer les choses...

Shelby - quand c’est le bon moment...

Jenny - ... c’est le bon moment !

Le Cargo - Enfin les choses iront peut-être plus rapidement maintenant que vous êtes débarrassées de vos obligations professionnelles, non ?

Shelby - Ah mais oui... j’avais presque oublié... je n’ai PLUS à bosser ! Enfin... je ne devrais pas dire ça... je sais qu’à peine rentrée à la maison je vais me remettre à chercher un emploi, mais bon... pendant quelques semaines on va dire que j’ai tout le temps libre que je souhaite pour me concentrer sur la musique, et c’est tout ce que j’ai toujours voulu faire. Mais ça devenait impossible de concilier cette envie avec un job à plein temps. C’est vraiment crevant... donc oui peut-être bien que les choses iront plus vite dorénavant...

Le Cargo - Quel est votre rythme de travail quand vous êtes à la maison ?

Jenny - C’est variable... Par exemple Deborah descend au local presque tous les jours... mais elle vit tout près.

Shelby - Eh bien je pense que désormais je vais y être bien plus souvent !

Jenny - (à Shelby) Ce qui est différent pour toi c’est que tu es obligée d’aller au local pour jouer alors que moi j’ai des instruments chez moi. Je veux dire que je joue de la musique tout le temps... mais en groupe ça dépend si nous travaillons sur quelque chose de précis. A ce moment là je vais au local bien plus souvent, presque tous les jours même.

En tournée

Le Cargo - Une question au sujet de la vie en tournée, comment ça se passe entre vous pendant tout ce temps ensemble, pas trop dûr de se supporter les unes les autres ?

Shelby - Ne m’en parle pas ! (rires)

Jenny - Eh bien nous sommes de bonnes copines mais bon tu sais ... c’est comme dans un couple marié... tout ce temps passé ensemble au bout d’un moment...

Shelby - Le plus drôle c’est qu’une fois rentrées après deux mois sur la route 24h/24 ensemble, il ne se passe que deux jours avant que je prenne le téléphone “Hey Jenny ? Tu fais quoi là ?

Jenny - “ça te dirait de passer à la maison ?” (rires)

Shelby - On partage les bons moments comme les plus durs. C’est autant facile que ça peut être compliqué.

Jenny - On se chamaille... mais ça fait partie de l’apprentissage de la vie en groupe.

Shelby - Mais ça marche plutôt bien. On sait quand il faut s’arrêter, on connaît les limites de chacune je pense.

Jenny - Oui oui, on a appris tout ça. La première fois que nous sommes parties en tournée c’était du genre “woooow on part en tournée”, tout était tout rose. Et puis on a dû apprendre à faire avec les états d’âmes de chacune d’entre nous. Apprendre à vivre à 5 ou 6 dans un espace réduit, à conduire un van sans nous paumer... ! Mais ça va tout ça... c’est de plus en plus facile.

Le Cargo - Combien de personnes vous accompagnent sur cette tournée ?

Jenny - C’est variable. Parfois c’est juste nous cinq dans un van.

Shelby - (rires)

Jenny - Parfois Linda, notre manager, nous accompagne.

Shelby - Sur cette tournée précisément nous sommes huit. C’est la première fois que nous sommes aussi nombreux ! Mais c’est aussi la première fois que nous avons notre propre ingé son... Si seulement on pouvait le ramener au Canada !

Jenny - Oui, parce qu’il est anglais en fait. On avait tout simplement besoin d’un chauffeur pour les dates outre-Manche parce que conduire à gauche... hum hum... (rires)

Shelby - Par contre ici ça va, on se débrouille !

Jenny - ... juste qu’on sait pas trop se repérer sur le Périph’ et dans les rues. Tu sais, c’était déjà un sacré défi la première fois qu’on a conduit en dehors de notre ville ! Mais on s’en est sortie... Donc, pour en revenir à notre chauffeur, nous en avons choisi un qui puisse en plus assurer notre son sur scène. Ensuite on la obligé à nous suivre jusqu’en France !

Shelby - On lui a laissé croire qu’il pourrait prendre des vacances avec nous... mais en fait il se retrouve à bosser encore plus (rires)

Le Cargo - Vous restez longtemps à Paris ?

Shelby - On repart demain.

Jenny - Mais on reviendra en novembre pour quelques dates en France.

Le Cargo - Vous venez de jouer à La Route du Rock, comment s’est passé ce premier concert français ?

Shelby - C’était aussi notre premier concert en festival... C’était incroyable ! Il y avait tellement de monde... c’était vraiment excitant ! Complètement différent de ce qu’on peut vivre dans une petite salle sombre, en plus on a joué vers 19h30 et le soleil n’était pas encore couché. C’était aussi une autre ambiance que nos concerts en première partie du Wedding Present au printemps dernier. Eux ils avaient leurs fans, certains les suivent depuis plus de 20 ans, et ces gens ne venaient que pour les voir.

Jenny - D’ailleurs j’étais surprise de voir qu’à la fin de nos sets, pas mal d’entre eux venaient nous parler, nous dire qu’ils avaient vraiment apprécié notre musique... Oui, je crois qu’on s’est fait de nouveaux fans pendant cette tournée-là (rires).

Shelby - Mais pour moi, jouer ce festival c’est un peu l’évènement le plus important de la jeune carrière du groupe. Du fait du nombre de spectateurs, de jouer en France, et en plus d’ouvrir pour les Cure !!! Ce groupe fait vraiment partie de nos influences... Je veux dire que j’ai grandi avec leurs albums. Après notre concert... oh que c’est naze (rires)... j’ai téléphoné à ma mère pour lui dire « hey maman je viens juste de faire la première partie des Cure !!! » et elle était hystérique, parce qu’elle sait bien ce que cela représente pour moi. Elle m’a répondu un truc du genre « quoi ??? tu veux dire le groupe de ce mec dont tu avais les posters aux murs de ta chambre !!!???? »

Comparaisons

Le Cargo - Dans pas mal des chroniques de Grab That Gun, on fait référence aux Cure, ou à Morrissey et aux Smiths, ce n’est pas trop ennuyeux ou réducteur pour vous, que la voix de Katie soit souvent associée à ces noms ou bien est-ce que cela constitue pour vous un honneur de voir le nom de votre groupe cotoyer ces légendes ?

Shelby - Je trouve ça plutôt cool qu’un groupe de cinq nanas soit constamment comparé à des groupes majeurs, de surcroît constitués de mecs, plutôt que les journalistes nous sortent à tour de bras des comparaisons aléatoires, et pas vraiment adaptées, avec n’importe quel groupe de filles.

Jenny - Même si on pourrait ajouter Blondie à ta liste puisqu’on nous l’a sorti de temps en temps au sujet de la voix.

Shelby - C’est quand même plutôt classe d’être comparées à ces groupes là... Moi je n’arrive pas à m’en lasser ! (rires)

Le Cargo - Tu sais ça peut aussi venir du fait qu’à la première écoute certains sont un peu déroutés par la voix de Katie. Bernard Lenoir confiait à l’antenne ce week-end qu’il avait d’abord crû que vous étiez un groupe avec un chanteur qui donnerait dans l’imitation bon marché du Moz...

Shelby - (étonnée) Sérieux ?

Le Cargo - Pour lui ce fut une révélation de découvrir que The Organ était un groupe 100% féminin. C’est peut-être un poil sexiste de réagir de la sorte, de dire que finalement il trouve ça bien parce que vous êtes des filles...

Shelby - (rires) oui... mais bon si ça nous dessert pas !

The Organ engagé ?

Le Cargo - Le concert de ce soir est organisé par l’association PopinGays, qui milite pour la cause homosexuelle, et on vous a récemment vues dans la série The L-World (ndlr : série américaine qui raconte les tribulations de plusieurs lesbiennes, dont la saison 1 a récemment été diffusée en France sur Canal Plus), j’aurais aimé savoir dans quelle mesure vous vous sentez concernées et engagées dans la reconnaissance d’une culture et d’une identité gay ?

Jenny - (à Shelby) Tu veux la faire celle-ci ?

Shelby - ... non vas-y.

Jenny - Donc tu veux savoir si c’est important pour nous ? Le Cargo - Je veux surtout savoir s’il y a une dimension “politique”, un engagement de votre part dans ces choix-là, le fait de participer à ce concert ou à cette série télévisée.

Shelby - (vers Jenny) Bon je vais la faire celle-ci finalement... (rires). C’est un fait il y a des homosexuels (ndlt : queers ) parmi les membres du groupe, mais ce critère n’était pas décisif au départ. Tout ce que nous voulions c’était jouer de la musique sans aucune revendication. Tout ça est un peu remonté à la surface suite à la diffusion de l’épisode de The L-World.

Le Cargo - D’un autre côté ça vous a permis d’avoir une grande écoute au sein de la communauté lesbienne, non ?

Shelby - Oui ça nous a vraiment permis de devenir un symbole fort de la culture et de la communauté homosexuelle, ce que je trouve formidable. Je crois qu’au départ nous étions un peu hésitantes parce que nous ne voulions surtout pas être étiquetées et traîner ça comme un boulet, parce qu’il est facile de rentrer dans un système et d’en devenir prisonnier. Tu deviens alors associé à un certain public et nous ne voulions surtout pas ça, notre musique est faite pour tout le monde, quelque soit la sexualité. Au final ça a plutôt eu un effet positif sur le groupe et nous ne le regrettons pas le moins du monde.

Le Cargo - Ca soulève aussi le problème de la récupération, mais c’est assez intéressant d’entendre votre avis sur ce point et je pense que vous faites plus ou moins écho aux idées d’Electrelanesur la question.

Shelby - Même chose oui. D’ailleurs on a fait quelques dates avec elles. Mais c’est vrai que tu montes un groupe au départ pour jouer de la musique, enfin dans notre cas, puis donner des concerts. Il n’y a pas d’idée politique là dessous. C’est comme ça que nous voyons les choses et nous avons été adoptées autant par la communauté homosexuelle que par les hétéros, nous avons reçu autant d’affection de chaque côté. Ca signifie beaucoup pour nous car c’est un signe que nous sommes d’abord appréciées pour notre musique et seulement notre musique. C’est cool ! Et moi je suis totalement à l’aise avec tout ça...

Jenny - Ca n’a jamais vraiment été un point délicat pour nous, aussi parce dans notre esprit ça n’a pas directement rapport à notre musique.

Shelby - Ouais... c’est juste qu’il s’avère qu’il y a deux trois... “lesbos” (sic)(rires) dans le groupe mais ça n’est qu’un détail et ça n’a jamais été le qualificatif premier de The Organ. Néanmoins je crois que nous sommes plus ouvertes à ce sujet désormais.

Jenny - En parler reste quelque chose de naturel plutôt qu’une décision imposée

Shelby - Mais je suis plutôt heureuse de ta question parce qu’en cinq ans tu dois être la première personne à oser nous demander quoique ce soit à ce sujet. Personne ne le fait jamais... par moments ça m’arrange mais parfois j’ai envie de donner mon avis.

Le Cargo - Tant que le public comprend qu’il ne faut pas vous réduire à cela et que vous pouvez continuer à emmener votre musique vers une audience plus large.

Jenny - Oui, pour moi c’est le principal !

Musique & Internet

Le Cargo - Je connais pas mal de gens qui vous ont découvertes grâce à la série TV, ou alors grâce à Internet. D’ailleurs quand Grab That Gun est sorti en Amérique du Nord, il était assez compliqué de le trouver de ce côté-ci de l’Atlantique, et à mon avis Internet, voire les P2P, ont joué un rôle décisif dans la promotion de votre musique. Depuis quelques mois le disque est disponible en import et maintenant Talitres décide d’en assurer la sortie nationale. Je pense que pas mal d’auditeurs, qui ont d’abord écouté votre musique en mp3 ont finalement pu acheter le disque. Que pensez vous du “bouche à oreille” à l’heure du numérique et des blogs ?

Jenny - Je trouve qu’Internet a bouleversé les choses dans le bon sens en amenant les gens vers de nouveaux horizons musicaux.

Shelby - Idem. Je suis pour !

Jenny - Je crois que sans Internet je n’aurais jamais été à la rencontre de certains artistes. En plus je trouve ça bien que le monde partage sa musique.

Le Cargo - Par curiosité, vous écoutez quoi en ce moment ?

Jenny - Un peu de tout... du neuf, du vieux...

Shelby - Les groupes que je préfère en ce moment ce sont Electrelane et Pony Da Look, un groupe de filles de Toronto.

Jenny - The Decemberists... euh... (gênée) en fait toute la vague Franz Ferdinand et co... Ouais c’est la honte je sais... mais j’écoute aussi Coldplay (rougissante)

Shelby - Mais t’as écouté le nouvel album ?

Jenny - Ouais et j’aime bien... mais bon ça fait si longtemps que je ne me suis pas assise tranquilement avec mes disques à la maison. Bon cette fois ci on est juste parties pour 15 jours mais ça fait quand même long sans pouvoir écouter sa musique. La dernière fois, j’avais amené des tonnes de cassettes... Pour la prochaine tournée j’aurai mon cadeau d’anniversaire, un beau lecteur mp3 que va m’offrir ma grand-mère “merci mamie !”. Ce qui m’ennuie avec cette question c’est que c’est chaque fois le même problème : j’écoute plein de bons groupes et les seuls que je parviens à citer ce sont ceux du genre Coldplay et Franz Ferdinand... pffff.

Le Cargo - Tu veux que je coupe cette partie ? (rires) Pour en revenir à internet alors...

Shelby - C’est un peu comme une gigantesque compil sur cassette que tout le monde pourrait avoir et dans laquelle chacun pourrait s’immerger. Même si ici on parle de compils avec des albums entiers, mais ça ne me pose pas de problème. Bien sûr, je suis consciente que ça peut occasionner des préjudices financiers pour les artistes. Je sais ce que c’est mais bon sang... depuis quand la musique est uniquement une affaire de fric ? La musique est incroyable, elle peut changer des vies et permet de s’affirmer en tant qu’individu, mais à condition d’y avoir facilement accès.

Jenny - (rires) Ca c’est le point de vue d’un groupe qui ne gagne pas de fric !

Shelby - Ouais ! Nous sommes des musiciennes fauchées qui gagnons à peine de quoi manger tous les jours !!! D’un autre côté j’achète encore plus de CDs depuis que j’ai internet, car si je trouve quelque chose que j’aime je vais l’acheter.

Jenny - Même si il y a vraisemblablement des gens qui se satisfont des mp3s et n’achètent jamais de disques ou de places de concerts... Pour ma part ce que j’aime c’est que plus de musique peut être entendue...

Shelby - Je crois que nous avons franchement bénéficié de ce système, non ?

Jenny - Je crois que les labels indé d’une manière générale sauront tirer leur épingle du jeu et qu’au final les petits groupes en tireront des bénéfices.

Shelby - Ce qui est affligeant c’est que les groupes qui se plaignent sont souvent... enfin bon je vais pas donner de noms mais ce sont des groupes dont les trains de vie ne sont pas vraiment affectés par le téléchargement illégal. Et puis ce sont surtout les maisons de disques qui râlent et qui leur mettent la pression. Je ne crois pas qu’on aurait trouvé aussi facilement un public en France sans le web. Je pense qu’on s’en est bien sorti grâce à ça. Donc je soutiens le principe et j’ai hâte de découvrir de nouvelles formations de cette manière.

Jenny - Personnellement je ne pense pas qu’internet tue la musique comme on essaie de nous le faire gober...mais plutôt qu’il en crée !

Shelby - Et puis de toute manière on sait ce que valent les majors... beurk...

Jenny - ils se font un max d’argent sur quelques noms, le reste...

Le Cargo - Je suppose que ce qui compte pour un groupe comme The Organ c’est juste d’avoir au moins assez d’argent pour enregistrer l’album suivant, non ?

Jenny - La situation rêvée c’est quand ton premier album parvient à attirer l’attention de manière à placer ton nom sur le grand planisphère du rock, après c’est bien plus facile pour enchaîner sur un nouveau disque.

Le Cargo - Et vous pensez que Grab That Gun a rempli cette mission ?

Shelby - En quelque sorte oui... un peu je crois... nous avons considérablement élargi notre public depuis un an.

Le Cargo - C’est ça de partir en tournée mondiale !

Shelby - Exactement ! (rires)

Jenny - Tu sais, pour moi, ça dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer en commençant à jouer au sein du groupe... J’ai l’impression qu’on a fait du chemin quoi !

Shelby - C’est sûr... imagine : 5 filles dont deux n’avaient même jamais touché un instrument de leur vie ! Si c’est pas fantastique ça... !!!

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publié par le 18/10/05
Derniers commentaires
oklom - le 07/05/06 à 23:19
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Excellente Interview qui repondu a toutes les questions que je me posais sur la revelation rock inde de 2005.
"Grab that gun" a changé ma vie et je suis de plus en plus accroc a ce groupe depuis la 1ere fois ou je les ai vues a St Malo.