Il y a une grosse différence entre voir un clip de The Kills sur YouTube ou à la télé et vivre un concert du groupe. Jusqu’à Rock en Seine, j’étais plutôt sceptique sur le duo formé par Alison Mosshart et Jamie Hince mais mon expérience se limitait à des images enregistrées et quelques titres écoutés à droite à gauche. Je trouvais que ouais le mec il assure grave à la guitare, avec un son vraiment très travaillé (il joue presque exclusivement sur de vieilles guitares Höfner branchées sur des têtes Selmer , du matos de connaisseur...), par contre ce truc de chanter dans le même micro, tout le champ lexical autour de la chaleur énuméré pour les décrire... mouais pas convaincu....

Et puis Alison arrive sur scène avec un mélange plutôt détonant en théorie, des cuissardes (sur un jean) et la chemise de bûcheron du grunge, mais sur elle c’est la classe. En fait rien que sa façon de se déplacer, on a l’impression qu’elle est chez elle, que la scène lui appartient complètement. Et tout ça avec un grand sourire, et une gestuelle vraiment orientée vers le public. On pourrait croire qu’elle monopolise l’attention sur elle (et sur nos photos, avouons-le c’est un peu le cas) mais son acolyte Jamie n’est pas en reste. Même s’il tient à lui tout seul presque toute la maison au niveau de la musique (Alison prend juste la basse ou la guitare de temps en temps, le batteur est efficace mais ne se met jamais en avant) et qu’il est un peu plus statique, pied de micro et pédales obligent, il trouve le temps de glisser quelques poses de rockeurs, la guitare levée en l’air à un moment, arc-bouté dessus à un autre, le petit mouvement des hanches par là...

Il y aura bien un moment où ils font ce fameux truc de chanter dans le même micro mais ça a une tout autre résonance quand on le voit dans le contexte, tous les sourires qu’ils échangent entre eux et avec le public, le naturel avec lequel ils occupent la scène et font de la musique avant de se préoccuper du look ou de montrer une attitude rock’n’roll. En fait les Kills sont à l’opposé de l’egotrip, ils séduisent par qu’ils font le show sur scène mais en même temps ils donnent une impression de naturel et de simplicité. Et ils sont irréprochables musicalement.

Notre moment préféré du concert : une partie instrumentale où pendant que Jamie s’amuse sur sa guitare, Alison vient s’asseoir en face de lui pour le regarder jouer avec un grand sourire aux lèvres et en se fumant tranquillement sa clope pendant deux bonnes minutes. En 2017, bien sûr qu’on est plus censé trouver ça cool quelqu’un qui fume... et d’ailleurs ce n’est pas le fait de fumer, elle pourrait très bien manger un sandwich raclette-pommes de terre-cornichons, que ça serait toujours aussi magique. Etre à Rock en Seine devant x milliers de spectateurs encore tout chauds du concert qu’ils viennent de vivre et se poser dos à eux, juste pour regarder son compagnon de scène jouer, profiter d’un petit moment juste entre eux et nous donner l’impression qu’elle découvre encore des choses chez lui, que chaque soir n’est pas le même soir sur une tournée. On vous l’avait dit, quand les Kills investissent une scène, ils font comme chez eux, pas de manières, pas de prises de tête mais du rock bien gaulé et de la classe.