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publié par Mélanie Fazi le 27/03/15
Robi - Les Femmes s'en Mêlent 2015 - 26/03/2015
Les Femmes s'en Mêlent, 2015 — Divan du Monde, Paris

Dès les premières notes de « À toi » en ouverture, on comprend que ce concert, première date parisienne de Robi depuis la sortie de La cavale, n’aura rien d’une simple transposition de l’album à la note près. Ce sera bel et bien un nouveau live, et pas uniquement de par la présence de nouveaux musiciens et de nouveaux morceaux. Chacune des chansons sera réinventée à sa façon, plus particulièrement celles de La cavale : la matière d’un album profondément tourné vers l’intime se retourne soudain vers l’extérieur, plus brute et plus frontale.

Le trac du spectateur

Il nous faudra pourtant plusieurs morceaux avant d’entrer pleinement dans le concert. Sans qu’on sache bien si c’est le live qui tâtonne encore un peu ou simplement l’effet de ce curieux « trac du spectateur » qui nous prend parfois, par peur qu’un concert attendu nous déçoive, par empathie peut-être avec les gens qui montent sur scène, surtout quand on les suit de longue date. Ce qui fait le prix des concerts de Robi, c’est d’une part leur intensité, mais aussi une forme de fragilité touchante. Parce que cette intensité repose sur un certain lâcher-prise qui, par définition, ne se commande pas. Parfois, il se passe quelque chose qui touche au grandiose, parfois non, c’est la règle du jeu et c’est aussi ce qui fait sa beauté.

Et ce soir, on l’aura constaté une fois encore. Quelque part entre « Être là » et « Il se noie », les différents éléments en présence – le chant, la musique, l’impact physique des morceaux – s’emboîtent soudain parfaitement. On repense alors à cette remarque formulée lors d’une interview récente, cette impression de voir sur scène Chloé devenir Robi. Ce moment où le corps reprend ses droits, où quelque chose de primitif émerge sous nos yeux, dans le chant, dans la gestuelle soudain plus frénétique ou plus féline. Notre corps à son tour y réagit alors même que le cerveau apprivoise encore les nouvelles versions des morceaux. Quelque chose dans nos tripes répond à la musique et comprend que voilà, ça y est : tout commence pour de bon.

L’énergie qui happe

« Il se noie », point d’orgue de nombreux concerts précédents, atteindra ce soir une intensité encore jamais vécue, quasi animale. Tout comme « Nuit de fête » un peu plus tard, parfait morceau de scène que l’on a vu s’affiner au fil des concerts et qui trouve ce soir sa pleine mesure. L’énergie déployée sur scène nous happe à son tour. La nouvelle formule scénique (avec Valentin Durup à la basse, Mathieu Penot à la batterie et Jean-François Riffaud au clavier et à la guitare) confère aux morceaux une ampleur différente, quelque chose d’un peu moins binaire. Notamment sur les chansons de L’hiver et la joie, qui s’articulent autour de nouvelles ruptures de ton ; on mettra d’ailleurs quelques secondes à identifier « Ma route » avant que ne s’invite ce rythme scandé que l’on connaît si bien. L’apport de la batterie, une première chez Robi, ajoute une dimension bienvenue, notamment sur une splendide version de « Devenir fou » (cadence martiale, refrain en crescendo).

Pour autant, tout n’était pas parfait ce soir, la faute notamment à quelques problèmes de son qui noyaient parfois la voix. Il nous a semblé, par moments, assister à un live encore un peu vert, amené à s’affiner avec le temps et la pratique. Sans qu’il en résulte pourtant une déception, plutôt la curiosité de voir dans quel sens les morceaux évolueront. Qu’importent ces quelques réserves quand l’énergie et l’intensité sont là, quand elles nous emportent et nous galvanisent ? Pour conclure sur une note marquante, Robi invite trois amies à prêter leur voix au refrain de « La cavale » : Jeanne Added, qui ouvrait cette soirée des « Femmes s’en mêlent » par un set impressionnant, mais aussi Katel et Maissiat. Interprétée ainsi, « La cavale » est plus inquiétante et oppressante que jamais, et pourtant jubilatoire de par la complicité chaleureuse qui transparaît.

La quête et le chemin

À l’image de La cavale, le concert nous a emmenés là où ne l’attendait pas. Une qualité que l’on apprend de plus en plus à apprécier chez Robi : elle cherche et elle essaie, au risque de désarçonner. On prend à notre tour le risque d’être secoués dans nos attentes, sans doute aussi celui d’être déçu parfois, et on le prend bien volontiers. Parce que la quête est belle, et que du chaos et de l’incertitude peuvent naître de splendides fulgurances. C’est un nouveau chemin qui s’ouvre, et l’on se languit déjà du prochain concert, de la prochaine étape.

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publié par le 27/03/15