accueil > articles > albums > palodine

publié par Mélanie Fazi le 17/02/08
palodine
- garden of deceit
garden of deceit

requêtes

La découverte de MySpace, avant que la lassitude s’installe, passe par une phase d’euphorie et de curiosité. Face à des demandes d’ajout encore peu nombreuses, on prend le temps de jeter une oreille à la musique des groupes qui nous sollicitent, espérant tomber sur une perle rare. C’est ainsi que nous avons rencontré l’univers de Palodine. Une requête parmi d’autres, une page aux couleurs sobres, des références intéressantes... Le groupe paraît avoir ciblé intelligemment ses contacts. Aux premières notes, une constatation frappe d’emblée : il y a un son, une voix, une cohérence. Un petit quelque chose qui les distingue de la masse des requêtes « myspaciennes ». On écoute un morceau en entier, un deuxième, on y revient plus tard... Décidément, ces chansons-là séduisent et titillent l’oreille.

territoire

C’est ainsi qu’on se penche quelques mois plus tard, avec un peu d’avance, sur le deuxième album de ce groupe de Seattle. La première écoute de Garden of Deceit renvoie aux impressions qui nous restaient de cette rencontre virtuelle : ces dix chansons évoluent dans un territoire balisé, classique sans être bateau pour autant. Mais le disque s’accroche à la platine. Il tourne en boucle, on y trouve vite ses repères, sans pouvoir expliquer pourquoi on s’y sent si bien. La musique a un bel équilibre, le chant est agréable et nuancé, les riffs s’incrustent dans l’oreille et dans la tête. L’ensemble tient joliment la route. On éprouve une sensation rappelant la découverte l’an dernier de Bat For Lashes, dans un genre musical très différent : malgré quelques facilités au niveau de l’écriture des mélodies, quelque chose envoûte d’emblée.

Southern gothic

Là où Palodine surprend le plus, c’est dans le contraste intéressant entre l’univers musical du groupe et celui qui transparaît dans ses paroles. Certaines des références invoquées par Michael Aryn et Katrina Whitney sont parlantes : Nick Cave & The Bad Seeds, 16 Horsepower et Woven Hand, Flannery O’Connor ou encore la série Carnivale... De fait, les textes se rattachent aux ambiances « southern gothic » : références bibliques, familles dysfonctionnelles, climat de violence latente. Les paroles tendent vers certains archétypes sans tomber dans le cliché, peut-être grâce à la manière dont la voix chaude de Katrina Whitney façonne les mots. Sur “Scar”, l’un des plus beaux moments du disque, elle suggère en quelques mots énigmatiques un drame jamais clairement défini (« The knife has left your trace behind/What’s beyond that starry sky ?/They told me I won’t feel a thing »). Derrière la violence des images, la seule phrase « I hear the bells ring » est lourde de sous-entendus. Elle résonne encore bien après la fin de la chanson.

griffes

Si les textes de Palodine s’inscrivent dans cette tradition, la musique du groupe, pour autant, ne doit pas grand-chose à l’americana. Pas de manière flagrante en tout cas. Le rock s’y teinte parfois de banjo - évoquant le fantôme de 16 Horsepower, sur “Revelations” notamment - mais jamais les sonorités ne lorgnent vers la country ou le blues. Les guitares sont rêches, les lignes de basse menaçantes, l’ambiance pesante. Le terme « gothique » (sans rien de « southern » cette fois) traverse furtivement l’esprit. On hésite à le retenir tant il est galvaudé, mais il laisse une impression tenace. Le groupe, en tout cas, manie joliment la tension contenue et la montée de l’orage. Là encore, le chant de Katrina Whitney y est pour beaucoup, de par sa manière de caresser les mots ou de les faire traîner, contrastant avec la violence des paysages sonores. Il y a dans ce disque, de bout en bout, une menace sourde et une tristesse sous-jacente. Parfois, l’explosion est proche : voir le déferlement de guitares de “Restored” au riff entêtant alors que l’album touche à sa fin. Cette chanson-là plante ses griffes en vous et refuse de lâcher prise. Lui succèdent les huit minutes apaisées, crépusculaires, de “Magdalene” qui clôt l’album en douceur sur des choeurs aériens. Et c’est le fantôme de Mazzy Star, cette fois, qui semble s’attarder.

exceptions

Dans le fouillis d’impressions que laisse l’écoute répétée de Garden of Deceit, on peine à discerner ce qui relève de l’appréciation objective et de l’adéquation personnelle de cette musique à un moment donné. Peut-être y a-t-il, dans le plaisir qu’on y a pris dès les premières écoutes, un fond de nostalgie qui ramène des années en arrière, parce que les influences musicales ou littéraires du groupe nous parlent à un niveau plus personnel. Mais au fond, on s’en moque. Car il s’est passé quelque chose, qu’on ne sait encore trop comment définir. “Scar” et “Restored” ne nous quittent déjà plus. Palodine est finalement l’une de ces exceptions qui redonnent confiance en la capacité de MySpace à permettre de vraies découvertes musicales. Quoi qui puisse se produire autour de cet album, une chose est sûre : rien que pour les frissons que nous a procuré “Scar”, on compte bien tenir le groupe à l’oeil.

NB : Si la sortie en magasin de Garden of Deceit n’est prévue que pour le 25 mars, l’album est déjà disponible (et en écoute) sur le site CDBaby.

Partager :

publié par le 17/02/08
Informations

Sortie : 2008
Label : tarnished records