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publié par gab le 20/03/13
My Bloody Valentine
- m b v
m b v

Au cargo, nous avons le cargotime, ce décalage temporel savoureux qui nous pousse à mettre en ligne nos chroniques/vidéos/photos soit très en avance, soit très en retard par rapport à l’actualité musicale. C’est un art de vivre et on s’en accommode très bien, d’autant que c’est un peu devenu notre marque de fabrique (même si on se soigne). Mais voilà qu’un trouble-fête décide de n’en faire qu’à sa tête, voire de se payer la nôtre, et invente le mbvtime. Et quelle invention ! Imaginez, annoncer pendant 20 ans la sortie d’un disque qui ne vient jamais et parvenir à rester crédible au point de reformer son groupe pour rejouer ses vieux morceaux sur scène. Cela relève de l’exploit. Ajoutez à cela, alors que plus personne n’y croit depuis des lustres, finir par sortir le disque en question en catimini sur un label indépendant. La classe ! On ne peut que s’incliner devant Kevin Shields et My Bloody Valentine, petits joueurs que l’on est.

plat

D’autant que si on a bien compris, l’album était déjà à moitié enregistré dès 1997 (ce qui faisait un mbvtime tout à fait respectable puisque Loveless, le disque précédent, datait de 1991). Que s’est-il donc passé ces quinze dernières années ? A vrai dire, on ne veut pas trop le savoir. On a recroisé My Bloody Valentine en BO mélancolique de l’excellent Lost in translation de Sofia Coppola (aaah cette intro de "Sometimes" alors que Scarlett Johansson rentre en taxi au milieu de la nuit, on en frissonne encore) et on a beaucoup réécouté Loveless bien évidemment. On ne s’est d’ailleurs pas plus offusqué que ça de ne pas voir venir son successeur et disparaitre le groupe. En effet, comment faire mieux que l’œuvre d’une vie ? Comment aller plus haut que le sommet ? Entre temps, la noisy pop s’est éteinte, a été plus ou moins réanimée au début des années 2000, puis s’est rééteinte. Encore une fois, ce n’est pas plus mal, à quoi rime de vouloir resservir un plat une fois vermoulu. Et puis, début 2013, alors qu’on n’y croit plus, alors qu’on n’en veut plus, dans un timing parfait, My Bloody Valentine sort m b v, son arlésienne de troisième album.

fouet

Timing parfait puisqu’entre temps, My Bloody Valentine et Loveless sont devenus cultes. Timing parfait puisque les rancœurs et les attentes sont depuis longtemps volatilisées. Timing parfait puisque les fans historiques se prennent de plein fouet leur crise de la quarantaine et ne rêvent que d’une chose : retrouver l’innocence de leurs 20 ans. Cette année, soyez dans le coup, ne remplacez pas votre femme par la première jeunette venue, achetez m b v ! Ce sont décidément des as du marketing. Et le pire c’est que ça marche, on s’est nous-mêmes empressé de larguer notre maîtresse et de commander le disque la semaine même de sa sortie. D’ailleurs on en est encore tout chamboulé, la preuve dans cette tentative désespérée de relancer la mode des GIFs animés. Maintenant foin de nos petits états d’âme personnels, c’est bien joli tout ça mais au final, il vaut quoi cet album ?

cycles

Car ce n’est pas le tout de faire le buzz, encore faut-il assurer le contenu derrière. C’est là, à nouveau, que le timing est magistralement maîtrisé. Imaginons un instant, pure fiction, que ce grand frère de Loveless soit sorti 3 ou 5 ans après leur chef d’œuvre. La terre entière aurait crié au sur place, à l’immobilisme le plus rustre et la cote du groupe aurait périclité. 20 ans après, c’est inespéré et visionnaire (ne cherchez pas, c’est une histoire de cycles). Vous l’aurez compris, My Bloody Valentine a repris les choses exactement où il les avait laissées … pour notre plus grand bonheur. Quel plaisir, en effet, de découvrir de nouveaux morceaux tout droit sortis du milieu des années 90. Mais attention, grand frère ne veut pas dire jumeau ou copie. On reste dans l’univers si facilement identifiable du groupe tout en dégustant les quelques (r)évolutions.

ponts

Côté révolutions, cela se limite à un morceau sans guitares ("Is this and yes"). C’est suffisamment incongru pour être noté, même si c’est loin d’être le plus réussi de l’album. D’un autre côté, on n’est pas non plus des inconditionnels du synthé, donc pas forcément très objectifs sur ce coup-là. Côté évolutions, ce qui frappe principalement c’est l’aspect relativement sage du disque dans sa globalité. My Bloody Valentine nous livre un album calme et introverti, plutôt agréable en musique d’ambiance mais manquant sûrement un peu de punch à notre goût. Un équivalent à "When you sleep", un peu plus enlevé et accrocheur, aurait sans doute fini de nous convaincre. Ceci dit, ils ont eu bien raison de ne pas tomber dans le panneau de la pâle copie de Loveless, on aurait râlé deux fois plus. Ce disque a au moins le mérite de chercher sa propre voie et de la trouver sur des morceaux tels qu’"In another way" et son gimmick au synthé, ou "Nothing is" et son hypnotisme radical, tout en conservant des ponts sympathiques avec le disque précédent ("She found now" en prolongement de "Sometimes" ou "Only tomorrow" et son schéma classique).

haies

En résumé, My Bloody Valentine franchit les haies de façon relativement indolore et avec semble-t-il un détachement à toute épreuve. Moins flegmatiques, on est quant à nous bien contents d’avoir rencontré ce disque de notre vivant, ne serait-ce que pour le côté anecdotique de la chose. Pas sur cependant qu’il nous accompagne pendant vingt ans comme son prédécesseur (ou quel que soit le temps qu’ils mettent à sortir le prochain album) et on ne le conseillera en réalité qu’aux fidèles admirateurs du groupe … ce qui fait mine de rien un bon petit paquet de monde.

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publié par le 20/03/13