pépite du ciné indé

Moi, toi et tous les autres est la nouvelle pépite du cinéma indépendant US. Réalisé par une artiste plasticienne (Miranda July) qui interprète le premier rôle féminin, c’est un film choral, une série d’instantanés retraçant le quotidien de plusieurs individus aux désirs et tempéraments opposés mais néanmoins unis par le même besoin de communiquer afin de rompre leur solitude.

Moi, toi et tous les autres raconte l’itinéraire amoureux et sentimental des habitants d’une paisible banlieue américaine où l’ennui le dispute à l’entraide. Bien que Miranda ait écrit, réalisé et interprété ce film largement autobiographique, le scénario ne privilégie aucun point de vue.

vendeur de chaussures

Les enfants occupent une part privilégiée dans l’intrigue, ils permettent de tisser des ponts entre les êtres qui redécouvrent ainsi leur pouvoir créateur. Des enfants dont les parents divorcent, et le père vendeur de chaussures décide de mettre feu à sa main pour reproduire un tour de magie réalisé par son oncle fantasque... Un petit bonhomme de sept ans qui s’adonne aux plaisirs du chat sans comprendre de quoi il en retourne et ranime l’inspiration et l’espoir d’une directrice de musée sado-masochiste... Une petite fille qui se constitue une dote et s’imagine maîtresse de maison... Deux jeunes femmes à peine sorties de l’adolescence, prêtes à tout pour perdre leur virginité avec un voisin aux mœurs libérées en apparence mais effrayé à la simple idée de passer à l’acte. Des enfants qui se révèlent plus matures que leurs aînés sans toutefois renier leurs rêves et leurs aspirations d’adulte.

Et enfin, Miranda, taxi pour personnes âgées en attendant de pouvoir partager son univers poétique à travers une exposition lui accordant non la reconnaissance du milieu nombriliste de galeries d’art mais une re-connaissance individuelle parmi la foule des anonymes qui décideront de s’approprier ses créations.

transcender la réalité

Moi, toi et tous les autres est une réflexion sur la capacité innée des enfants à transcender la réalité pour la sublimer, une faculté que peu d’adultes, sous le poids des convenances et des modes, parviennent à conserver. C’est également une parabole optimiste sur la quête d’un idéal amoureux (à tout âge) qui souligne l’importance du don de soi, de la confiance mutuelle et de l’absence de préjudices dans l’établissement de toute relation enrichissante.

Un conte pour adulte dont les premiers rôles sont confiés à des enfants, une fable acidulée dont la douceur des sentiments est reflétée par les robes fantaisistes et innocentes de Miranda...C’est également une critique ironique de l’absence d’inventivité des plasticiens promus par les décideurs artistiques du moment...

Amélie Poulain

Certains critiques ont à tort comparé l’univers de Miranda à celui d’Amélie Poulain. Or, si le film de Jeunet était intemporel avec des relents de nostalgie pour une certaine idée de la France, Moi, toi et tous les autres propose une réflexion sur les maux et modes actuels : solitude et rencontres virtuelles ou superficielles, éclatement de la cellule familiale, misère affective et sociale des sexagénaires aux modestes revenus...