accueil > articles > livres > Mélanie Fazi

publié par vinciane le 27/10/03
Mélanie Fazi - Trois pépins du fruit des morts
Trois pépins du fruit des morts

poncifs

trois pépins du fruit des morts fait partie de ces romans dans lesquels on aime se plonger pour le plaisir purement littéraire de goûter chaque phrase, chaque image, chaque enchaînement. il fait partie de ces romans que l’on aime lire en écoutant du cyann & ben ou du madrid. de ces romans dont l’univers se suffit à lui seul, dont l’intrigue est prétexte à beauté lexicale et descriptive. on se régale au fil des pages de représentations toujours plus riches et travaillées, d’une poésie évitant toute lourdeur, de dialogues justes et francs. les maladresses sont rares, les poncifs quasi inexistants. de même, le vocabulaire et le niveau de langue, élevé sans être pompeux, ajoutent à la cohérence de l’œuvre. souvent cependant, l’auteur, mélanie fazi, pêche par insistance, mais cela avec la finesse qui caractérise son style, alors peut-on lui en vouloir réellement ? des deux personnages centraux (et féminins) de ce roman, l’on retiendra comme en couverture une relation duale (position, regard, couleurs) et réciproque (reflet du personnage allongé). et c’est certainement dans cette contradiction que se noue la force schématique du récit. l’auteur, passe successivement d’un esprit à l’autre de ses deux protagonistes, fait jouer les perceptions pour mieux exposer les écueils auxquels se confrontent la jeune annabelle et de la déesse kyra. et l’on ne sait pas vraiment au fond si l’adolescente croit à cette rencontre à force d’y avoir rêvé ou si perséphone se cache véritablement derrière l’énigmatique kyra.

cristaux

peu importe au fond, parce que le récit est mené de manière à provoquer l’empathie pour annabelle, à nous faire y croire avec elle, à nous faire partager la douloureuse métamorphose qu’impose l’adolescence. cette période de troubles et d’introspection amène la jeune fille à chercher une formulation aux réponses qu’elle trouve, qu’elle se trouve. si celles-ci invoquent la mythologie, alors autorisons-la à prêter une pensée autonome à perséphone, à lui trouver une incarnation en la personne de kyra. peut-être même annabelle projette-t-elle en kyra la force, le détachement et la maturité qu’elle se souhaiterait. ainsi prennent vie dans le roman deux personnages se chevauchant et se dédoublant, provoquant un jeu de confrontations et d’évitements fascinant. alors bien sûr, pour qui n’a pas de culture mythologique les monologues de kyra semblent à la fois obscurs et nécessaires, ils participent de l’univers rêvé d’annabelle et de la force tragique du roman. comment une jeune fille parvient-elle à l’idée de sa propre négation pour vouloir son éternité ? même si le dernier chapitre laisse le lecteur libre de toute interprétation, le dernier volet du roman, le cantique du givre, agrège comme autant de cristaux l’ensemble des désillusions percutantes ou latentes des deux personnages (résurrection de kyra, chantage et rupture de la relation fusionnelle avec annabelle…). y a-t-il vraiment eu rencontre physique ou l’esprit d’annabelle a-t-il troublé ses perceptions de la réalité ?

immixtion

l’intérêt narratif de ce roman réside dans sa construction temporaire, facilité par le passage successif de l’un à l’autre des personnages sans immixtion. la linéarité est troquée au profit d’un parallélisme, d’une concomitance des faits. il est d’ailleurs à regretter que la première partie, première neige, donne la part belle à maria, mère d’annabelle, notamment dans la montée de l’intensité dramatique (l’absence de l’adolescente). cette première « saison » du roman est tout entière consacrée à la mère qui se retrouve finalement personnage secondaire du récit dans son ensemble. sans contrarier profondément le lecteur, ce paradoxe peut le troubler. tout autant qu’il pourrait également l’être par l’absence de personnage masculin dominant. mais c’est aussi en déroutant son lecteur que l’auteur évite l’ornière du récit convenu et cadré. c’est ainsi que le lecteur peut lui seul mener une réflexion sur ce que signifie vraiment cette carence ou ces contrastes. indéniablement, de ces trois pépins, mélanie « midas » fazi fait trois pépites : justesse, poésie, sensibilité. gageons que les futures pousses de ces trois pépins seront elles aussi bénies des dieux.

Partager :

publié par le 27/10/03
Informations

Sortie : 2003
Label : Nestiveqnen

Pour le même artiste