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publié par gab le 29/01/07
lonah
- au fond du temps
au fond du temps

triplette

N’en déplaise aux faiseurs de sons tendance autiste que l’on trouve à foison, aux petites mains et petites têtes bien pleines qui se mêlent allégrement et pondent des galettes en y mettant leurs tripettes et sans doute bien plus encore, le succès auditif d’un album musical se résume souvent pour la paire d’oreillettes en mal d’émotions à la courte triplette "où", "quand" et "comment". L’Homme n’en sort pas grandi on en convient mais voila, on aurait tort de négliger inconsidérément l’influence prépondérante de l’environnement extérieur sur la qualité de réception de la dite cédette ; le croisement écouteurs en action d’un marteau-piqueur sur un trottoir étant un exemple évident de trouble à l’ordre auditif mais aussi, essayez vous verrez, la douceur d’une pincette vous longeant sensuellement le bas de l’échine, tous/toutes là pour perturber insidieusement ou renforcer ostensiblement l’écoute. Et ça, chers faiseurs de disquettes, vous n’y pensez sûrement pas assez sinon vous nous donneriez un peu plus d’indications sur le mode d’emploi externe de vos réalisations et on gagnerait, pour les cas délicats, un temps certain.

...

[ petit aparté puisqu’il s’agit jusqu’à preuve du contraire d’une chronique du deuxième album de Lonah, Au bout du temps. Nos amis lonesques l’ont eux compris depuis belle lurette, ils nous expliquent pour chaque morceau de cet album en streaming sur leur site www.lonah.net avec quel alcool spécifique consommer la chanson. Très belle, bien que coûteuse, initiative. Mais fermons cette parenthèse et revenons plutôt à notre présent et fumeux exposé ]

oqc

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On en a bien entendu tous fait l’expérience maintes fois (on parlait du "où", "quand", "comment", souvenez-vous) et dans la majorité des cas la sélection se fait naturelle, inconsciente, belette. Telle musique bien péchue (restons dans les clichés si vous le voulez bien) pour le matin et telle ballade sirupeuse pour la détente du soir et je ne vous parle pas de la tendresse infinie des musiques de jeux vidéos au goûter jambon-beurre. Tout ça marche très bien, au bout de quelques écoutes à différents moments de la journée, dans différents lieux, sous emprise de différentes humeurs, l’album se range de lui-même dans son espace où-quand-comment (l’espace oqc tel qu’on le nommera maintenant), endroit où on saura le retrouver facilement et d’où il nous appellera même parfois. Cela marche d’autant mieux si on garde en mémoire l’aspect poreux de ces dits espaces. C’est inévitable et même extrêmement souhaitable, ces derniers empiètent allégrement les uns sur les autres, tout ce beau monde vivant en bonne intelligence, en excellente (catin d’) harmonie si on peut se permettre. Mais voila, de temps en temps un ovni non catégorisable se présente à vous. Bien. Surtout ne pas paniquer. Dans la majorité des cas, une analyse froide et distanciée vous permet la pose d’une moue dédaigneuse au coin de la bouche et la cédette se trouve remisée au grenier sans plus tarder au son de "disque non compatible", "disque non compatible" ... il arrive hélas dans un pourcentage très limité des cas, l’exception confirmant la règle, que l’analyse froide et distanciée ne fonctionne pas ("bug !", "bug !"). Et là bon courage. Vous vous retrouvez malgré vous à essayer le disque dans des endroits et positions bien délicates, défiant même votre souplesse footballistique légendaire. Des exemples au hasard valant mieux qu’un long discours : essayer l’écoute de "Snake" de PJ Harvey (album Peel Sessions) dans une clio seul avec belle-maman-70-ans se révèle être une expérience non concluante bien que très intéressante, ou encore fredonner intra-têteusement "Louxor j’adore" de Katerine aux toilettes peut transformer à jamais votre transit intestinal (expérience concluante). L’expérience tend même à prouver que tant qu’on n’a pas essayé un espace oqc, on ne peut pas savoir s’il conviendra. Et à l’inverse, tout espace oqc mérite d’être essayé, que dis-je, se doit d’être essayé, si on a le moindre doute sur l’éventuelle réceptivité positive d’un album. Voilà pour la théorie. Passons à la pratique. A vos paillasses et sortez le deuxième album de Lonah, Au bout du temps, étudions d’abord l’inclassabilité simple de l’objet et tentons ensuite de déterminer son espace de prédilection, celui qui le verra prendre pleinement son essor à nos oreilles.

troublant

Et ça saute aux oreilles, pas besoin de chercher bien longtemps, force est de constater qu’on trouve de tout sur cet album. Lonah passe sans effort du quasi-religieux ("Aurore" et sa partition pour orgue d’église) au quasi-jeu vidéo (l’étonnant "Une nuit" et son esprit Nintendo de nos jeunes années) au mélange synthé chewing-gum et guitare western (le retro-futuro "Fly me"), en passant pourquoi pas par un peu de lounge ("Errance"), une basse funky ("With my mind"), des soli limite guitare-héro (le pourtant éthéré "Neige") pour finir sur une musique électronique que même dans ses rêves les plus fous, notre collègue le plus geek n’entend même pas (le jouissif "Les droides"). Des mélanges improbables donc, un résultat inclassable c’est sur mais aussi incroyable que ça puisse paraître, un album plutôt homogène, qui se tient étonnamment bien, toute la nuance résidant dans les "quasi" et les "limite", tout ce qui fait que la patte Lonah garde la mainmise sur les écarts et la folie de ses ouailles. Et puis bien sur on retrouve cet univers irréel, ce songe si particulier qui pointait déjà son nez sur le premier album du groupe et qui s’installe ici en profondeur en fin d’album notamment sur l’excellent "Onirisphère", mais aussi sur "Neige", "Urban tale" et sa quasi-boîte à musique enfantine, et surtout l’étrange "A nuestros huesos", un monde à part, virtuel et particulièrement réussi. Le tout tenu par le chant de Raphaëlle tour à tour envoûtant ("Mascha"), troublant ("Une nuit" et d’un trouble plus joueur sur "Fly me"), mais aussi inquiétant ("Aurore", "A nuestros huesos"), entêtant ("Onirisphère") ou fou furieux (les refrains de "With my mind") ... troublant oui, troublant ...

chauffe-plat

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Vous l’aurez compris, on ne rentre pas facilement dans cet album, il faut même persévérance et ténacité, que dis-je, il lui faut un espace oqc à lui tout seul, bien à part. Et le jeu en vaut la chandelle, ce n’est pas tous les jours qu’on pénètre un univers aussi singulier et passionnant. Univers visuel autant qu’auditif en réalité avec des travaux photographiques, ou graphiques tout court, en tout points remarquables. Ces travaux constituent d’ailleurs un bon point de départ pour se mettre en condition auditive justement, nous n’avons pas à faire à un espace facile d’accès loin de là. Commencez donc par aller jeter un œil du côté de lonah.deviantart.com pour imprégner vos rétines des mises en scènes lonesques, vous y trouverez un savant jeu sur les mots, les images et leurs bordures en transparence. Cela force d’entrée le respect et vous préparera pour le voyage à suivre. Faites le vide ensuite. Préparez-vous à entrer dans un espace oqc totalement mental. Mettez les écouteurs. Vous êtes dans un bain moussant, il est 2h00 du matin, trois bougies chauffe-plat s’ébattent gaiement dans des bougeoirs de couleur. Vous êtes seul(e) ou accompagné(e), pas de restrictions de ce côté-là, au contraire. Nous avons là un espace quelque peu incongru on vous l’accorde (mention spéciale à Micky en tant que grand inspirateur en chef) mais il fonctionne particulièrement bien pour cet album, notamment lorsqu’on est physiquement dans les transports en commun. Un double espace oqc si vous voulez. Oui, ils sont un peu tordus Lonah, c’est aussi pour ça qu’on les aime. Et pour prendre en exemple un cas très précis, ce double espace a servi de puissant révélateur pour au moins un membre influent de notre entourage proche. Ce dernier tatonnait, frustré de se voir refuser platement toutes les entrées habituelles. Il dormait mal, au bord de la dépression, envisageant même de tenter l’expérience du mentos dans "Fly me" pour voir si réaction chimique il y avait. Mais depuis qu’il a découvert le double espace oqc moussant, halleluia ! Ce n’est plus le même homme. Non seulement il réalise que cet album se vit, ou plutôt s’imagine, très bien allongé dans un espace immaculé, chaud, clos, légèrement réverbérant et surtout humide, mais il peut désormais l’écouter sans faim en tous lieux, toutes occasions (et pas plus tard qu’en serpillant ce matin), les sphères oqc se multipliant à l’infini dans de superbes teintes beiges, rosées et parfois même verdâtres, se décuplant à l’envie, changeant de forme et de texture à force de roulades et autres trépieds. Une expérience unique à moins de deux heures de Paris dans tous nos centres agréés.

ovoïde

Attention cependant, on se doit de vous mettre en garde tout de même. Vous l’aurez peut-être remarqué, il peut y avoir de légers effets de bord, de menus effets secondaires (bien lire la notice avant emploi). Ces musiques semblent avoir la fâcheuse tendance à infiltrer les rêves ; les leurs on s’en doute, les nôtres aussi indiscutablement et les vôtres à terme assurément ... tout dépend ensuite de votre état de fatigue et de votre force de caractère. De brillants esprits ont connu lapins blancs et tremblements pour quelques secondes d’"Une nuit" alors que d’autres plus perméables ont vogué, libérés, des heures durant sur "A nuestros huesos". Vous êtes prévenus, il pourrait même vous arriver d’intégrer une équipe de rugby amateur en cours de match et d’inscrire l’essai vainqueur dans les arrêts de jeu sous le regard admirateur et enthousiaste de votre dulcinée, le tout sur fond de "With my mind" ou de son refrain plus particulièrement, alors que vous devriez être levé depuis une heure au moins ... ne nous attardons pas trop si vous le voulez bien sur la mièvrerie adolescente de ce scénario proprement hallucinant, on ne choisit hélas pas son inconscient, mais ce rêve à l’héroïsme ovoïde hante toujours de ses bienfaits un narrateur encore tout troublé le pauvre et sert surtout ici à démontrer qu’on ne sait jamais trop jusqu’où les perturbations lonesques peuvent s’inviter, la science n’en étant qu’à ses balbutiements dans ce domaine. Nous vous tiendrons bien entendu au courant des évolutions de la recherche et des éventuels antidotes ... ou produits complémentaires ... on n’a rien contre les mélanges nous non plus.

a5

Maintenant qu’on a à peu près fait le tour du sujet, qu’on a mené l’enquête haut la main et que le générique défile sur nos sourires figés (mais avec "les droïdes" en musique de fin, faut pas exagérer), quelques petites précisions et attentes pour terminer. Ce deuxième album est donc écoutable en streaming sur le site de Lonah (www.lonah.net) comme nous l’indiquions plus haut. Ce qui va bientôt arriver par contre et qu’on attend avec une impatience à la limite du soutenable, c’est le livre-album Au fond du temps, soit un livre d’une trentaine de pages au format A5 contenant de sublimes illustrations lonesques et le cd de l’album en prime. Un must à ne manquer sous aucun prétexte ! Que peut-on dire de plus ... pour les plus sceptiques d’entre vous (face à notre pourtant très éloquente démonstration) qui souhaitent une entrée un peu plus classique dans le monde bigarré de Lonah, on ne saurait trop vous conseiller de vous rendre sur le mon-espace web du groupe et d’écouter "Morning", vous nous en direz des nouvelles. Pour les autres, bave aux lèvres et joie des yeux, nous vous souhaitons un très agréable voyage en notre compagnie sur oqc airlines. La température lunaire est de -141°C, le temps mitigé avec des pluies éparses de météorites prévues en fin de journée ... we wish you a pleasant trip, thank you for flying oqc airlines.

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publié par le 29/01/07
Derniers commentaires
maria stépanovna - le 31/01/07 à 15:08
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vous informant que les illustrations du livre-album sont d’ores et déjà visibles sur le site binarymind.deviantart.com pour ceux qui auraient un oeil ou deux à y jeter...

Merci pour cette chronique inspirée-inspirante-play-shop-in-progress, j’aime beaucoup ce que vous faites !
Bonne journée

La chanteuse.

Informations

Sortie : 2007

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