accueil > articles > cinéma > Le sens de la vie

publié par Nausica Zaballos le 08/07/09
Le sens de la vie pour 9,99$ - Tatia Rosenthal
Tatia Rosenthal

Humour noir...et désespérance.

Le lendemain de sa sortie, je suis allée voir le sens de la vie pour 9,99$ ...non pas que je recherche le sens de la vie, je l’ai déjà trouvé depuis quelques années mais chut, je ne vous le dirai pas...d’autant plus qu’il appartient à chacun de trouver le sien. Immédiatement après la dernière image de ce film animé, j’ai ressenti un haut-le-cœur...Quoi, le sens de la vie pour ces personnages de carton pâte certainement inspirés de vraies personnes, c’est ça ?

Alléchée par une bande annonce qui mettait l’accent sur le sarcasme d’une figure en particulier, celle du clodo cynique devenu ange gardien malgré lui, je m’attendais à de l’ironie grinçante, de l’humour noir certes, mais pas cette désespérance. J’ai donc hésité avant d’écrire cette chronique en me demandant quel sens j’allais pouvoir trouver à ce petit film israélien produit et doublé aux USA.

S’il peut exister des constitutions névrotiques qui s’appliquent aux pays, alors Israël et les USA (pays que j’apprécie pourtant) doivent remporter la palme. Israël, et surtout Israël des côtes, Haïfa, Tel Aviv, incarne à merveille cette fausse insouciance matérialiste qui caractérise le quotidien de personnes aux prises avec des contradictions qu’elles n’arrivent pas à dépasser.

Peut-on prétendre ou être réellement libre lorsque l’on est enchaîné à ses désirs ? Peut-on goûter le présent sans amertume et envisager le futur sans crainte lorsque l’on refuse de tirer les leçons du passé ?

Le quotidien des habitants d’un immeuble.

Le sens de la vie pour 9,99$ croque le quotidien de plusieurs locataires ou propriétaires d’un petit immeuble. Les intérieurs se succèdent et ne se ressemblent pas car cohabitent sur plusieurs étages une star égocentrique anorexique, un magicien endetté, un jeune homme altruiste au chômage qui prépare de succulents gâteaux, un trentenaire multi-dépendant incapable de s’engager, un papy veuf rongé par la solitude et d’autres personnages dont l’existence, pour le spectateur, peut sembler dénuée de sens ! Pour le spectateur seulement, lui qui regardera ses tranches de vie avec plus ou moins d’amusement, de complaisance, d’empathie ou d’agacement ! Car ce qui fait le drame de ces personnages, c’est bien de croire que leur vie revêt un sens et que la satisfaction de leurs désirs sans espoir, leur fidélité à des certitudes aliénantes, combleront le sentiment de vide qui les habite.

Ce qui fait défaut aux personnages du sens de la vie est le doute raisonnable et la dérision salvatrice. Persuadés que leurs choix les rendront heureux, tous pensent avoir trouvé le sens de la vie dans la poursuite d’activités monomaniaques et le renforcement de liens pervertis.

Des liens qui rendent malheureux.

Un recouvreur d’impôts va s’oublier dans le sexe avec une star si amoureuse de sa plastique qu’elle charcute les hommes pour en gommer toutes les aspérités et identités. La quête d’amour peut-elle justifier l’oubli de sa personne dans un lien fusionnel vampirique ? Le sens de la vie donne à voir des liens non constructifs. La relation à l’autre n’est pas épanouissante car les personnages cherchent désespérément dans un lien de dépendance ou dans un miroir aux alouettes sentimental un amour de soi qui leur fait totalement défaut. Ou un jeune prodige des fourneaux accepte de se plier aux exigences professionnelles d’un père dépressif qui érige le respect à l’autorité comme raison de vivre mais se méprise pour ne jamais avoir osé transgresser l’ordre établi. Ou le même jeune cuisinier commande un manuel intitulé « comment se faire écouter par les autres ? » sans se demander si ces autres méritent la peine d’être considérés comme un auditoire digne de lui. C’est aussi la fidélité à une épouse décédée qui conduit un vieil homme à s’emmurer dans une solitude entrecoupée des appels d’une enquêtrice marketing par téléphone. Quant au clochard qui a acquis ses ailes d’ange gardien, il s’est suicidé après qu’on lui ait refusé une énième cigarette. Lui aussi était veuf.

Le drame des personnages est leur incapacité à s’envisager différemment de l’image que se font les autres d’eux. Le recouvreur d’impôt doit coller aux exigences corporelles névrotiques de la star. Le trentenaire doit envisager le mariage comme la suite « normale » de sa relation. La jeune institutrice ne réalise pas que son amour pour ce trentenaire qui la fuit, la poursuit et la fuit à nouveau, est le reflet d’un désir de maternité sans cesse réactualisé au contact des enfants de son école. Ce qui est particulièrement désespérant dans ce film est l’absence totale de plaisir des personnages : aucun des liens décrits ne semble joyeux. Le seul plaisir semble être une liberté fugace dans une animalité retrouvée, dans une démesure éphémère, contrecoups de trop de restrictions. Dans le sexe... mais bientôt, le bel étalon deviendra un véritable marshmallow... Dans l’exercice physique, père et fils nagent comme des dauphins dans le lac du parc... ou dans l’alcoolisme et la prise de stupéfiants...

En somme, à nouveau l’oubli de soi, la fuite, la volonté d’être quelqu’un d’autre, même un animal, l’impossibilité de s’aimer soi à trop vouloir aimer l’autre.

Le sens de la vie et le passé...

Le sens de la vie tel qu’il est décrit dans ce film à la noirceur abyssale se trouve pourtant dans le passé. Seule la contemplation du passé permet d’apprécier le présent et de réaliser avec bonheur ou tristesse ce qui a été perdu ou gagné en chemin...à condition d’envisager la vie comme un processus d’accroissement, de développement personnel, de plaisir. C’est en se plongeant dans son passé que le père dépressif aurait compris que son attachement à l’ordre conduisit sa femme fantasque à le quitter pour un autre. C’est en se remémorant avec bonheur le plaisir d’être à deux que le vieil homme veuf aurait pu envisager plus rapidement de refaire sa vie. C’est en se rappelant les multiples rejets dont il fut victime que le recouvreur d’impôt aurait compris que se soumettre ne permet pas de gagner l’amour et le respect de l’autre...

Mais apparemment, pour ces petits personnages de carton pâte, souffrir et se bercer d’illusions donne un sens à leur vie. Combien d’entre vous se reconnaitront dans ces liens ?

Partager :

publié par le 08/07/09