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publié par Sfar le 16/05/07
Enslune
- Dusk, decay and other foolish handbacks
Dusk, decay and other foolish handbacks

L’art du graphisme musical

Il existe de drôles de façons de découvrir un artiste : une écoute distraite, une recommandation, une lecture de chronique, une pochette ... et parfois un dessin ! Enfin un dessin, une sorte de graphisme devrais-je plutôt dire. Car c’est en effet par le graphisme un peu hésitant d’un portrait de bonhomme que j’ai atterri sur le site de Enslune. Ma première surprise fut de découvrir que ce groupe (à géométrie variable) présentait là son, déjà, 5ème album : Dusk, decay and other foolish handbacks. Curiosité du coup exacerbée et sans en savoir plus sur Enslune je décidai de découvrir à l’aveuglette ce nouvel univers. Il n’est pas toujours évident de se lancer comme cela dans l’écoute d’une musique dont on ne sait absolument rien. Les chances d’apprécier en sont d’autant plus réduites. Je me demandais, avec un nom pareil, à quel genre musical je pouvais m’attendre... peut être de la techno, du hip hop expérimental, du rock pur et dur voire de la chanson paillarde ... Mais que nenni !

Et si nous partions en ballade...

Enslune on pourrait dire que c’est un peu le talent et l’artisanat au service de la culture musicale ! C’est la simplicité face aux produits marketing branchouilles qui prolifèrent au sein des labels indé. Et c’est aussi la qualité face aux bidouilles faites maison et sans consistance comme on en rencontre tant sur MonEspace. Au petit jeu de l’étiquette, Enslune consisterait pour moi en une sorte de musique folk-rock acoustique à la guitare, agrémentée de quelques percussions et parfois des sons samplés. Au fil de nos écoutes, Enslune nous emmène en ballade au gré de forts jolies mélodies. Nous sommes bercés par une voix grave et douce dont les quelques tremblements sont d’un charme fou. Les textes sont en anglais et pourtant emplis de poésie. Il n’y a guère qu’un français pour écrire de si jolie manière dans la langue de Shakespeare. Et même si je ne comprends pas forcément toujours le sens de ce qui est dit, la mélodie des mots chantés sied parfaitement avec celle des accords joués. Il y a une véritable magie dans ce que propose Enslune parce que malgré une construction mélodique plutôt classique et des compositions qui pourraient paraître minimalistes, les morceaux sont d’une redoutable efficacité. C’est là la griffe des artistes qui ont du talent et une certaine facilité ou exigence à réaliser une œuvre de qualité. Enslune ne noie pas ses compositions dans des arrangements illusoires et n’abuse pas de la multiplication d’instruments ou de samples inutiles (méthode grossière employée chez certains « artistes » pour masquer le vide artistique). Ainsi, après des mois d’une écoute intensive, on ne se lasse pas de ces si séduisantes mélodies (ce qui est un exploit me concernant, ce style musical n’étant pas ce dont je raffole habituellement). Tout au long de cet album, Enslune va nous compter de bien jolies histoires, avec un petit « french accent » qui donne à certains passages une touche bien particulière (c’est idiot mais je ne me lasse pas d’entendre prononcer « facing the belvedere »). L’album s’achève avec l’ excellente reprise “Decay” du groupe Ride icône shoegaze des années 90.

Ce qui fait que l’on s’attache à Enslune et plus particulièrement à cet album c’est tout cet ensemble de petits riens terriblement craquants : une voix qui chevrote, le charme des cordes de guitare qui grincent, des accords qui s’accélèrent ... Et, que ce soit sur des morceaux très doux comme “Second time around” ou sur “The handback” plus torturé avec une guitare lancinante, le plaisir est là et ne nous quitte pas.

Fermer les yeux, croquer du chocolat et puis... écouter

Dusk, decay and other foolish handbacks est certes un album de qualité mais il est également bien plus que cela : c’est un petit morceau de bonheur, un petit remontant aux états d’âmes et aux idées noires. Alors, quand ça ne va pas je m’allonge, le casque sur les oreilles, je ferme les yeux, je croque un morceau de chocolat et j’écoute Enslune...

Tout d’abord commencer avec “Luna 5” pour le dynamisme de sa rythmique et la conviction du chant même si il est parfois plaintif.

Ensuite, enchaîner avec “Lanterns on the night tide” : pour le dépaysement total, pour le vent qui caresse les oreilles, pour cette mélodie douce et triste qui pince au plus profond du coeur, pour le son de l’eau qui coule, pour les cris d’oiseaux au loin, pour entendre chanter de façon si charmante « facing the belvedere » et pour la tendresse des moments racontés.

Puis, finir avec “Six Moons” que j’affectionne particulièrement pour la force émotionnelle qui s’en exhale. Nous sommes bercés par une mélodie emplie de mélancolie, un chant qui se fait parfois plaintif, accompagné par moment d’un chœur tout en retenu et magnifique. Il s’agit là d’un morceau très touchant dont l’intensité oscille entre la douceur du chant posé et des moments où la voix se montre plus percutante. Voici le genre de morceau, avec “Lanterns on the night tide”, qui nous arrache une larme, nous fait se pincer le cœur et nous envoie des zigouigouis dans tout le corps.

Dusk, decay and other foolish handbacks fait partie des petites douceurs de la vie : de ces parenthèses qui font du bien, de ces bouffées d’oxygène qui aèrent les esprits, de ces petites flammes qui réchauffent le cœur... Cet album de Enslune est quelque chose de rare, ces morceaux méritent absolument d’y jeter une oreille et qui sait le charme Enslunien opèrera sans doute une nouvelle fois...

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publié par le 16/05/07