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publié par Mickaël Adamadorassy le 22/10/03
Elephant - Gus Van Sant
Gus Van Sant

une journée normale dans un lycée américain, avec ces stars et ces têtes de turc, les blondinettes anorexiques qui se font vomir dans les toilettes et la binoclarde complexée qui refuse de mettre un short en sport, le joueur de foot et sa copine qui s’aiment très fort et le pauvre type qui subit les sales blagues de tout le monde et rêve devant un reportage sur hitler de les dégommer tous comme dans un jeu vidéo. mais, quand on peut, au nom d’une soit disant liberté défendue par la nra, acheter le plus simplement du monde des armes automatiques sur internet, pourquoi se contenter de rêver ? pourquoi ne pas transformer cette journée normale en nemesis ?

errances labyrinthiques

elephant est une sorte d’autopsie des tueries qui ont eu lieu dans les lycées américains et qui ont énormément choqué partout dans le monde. mais là où michaël moore nous prend au tripes et offre un document fort mais très partial, gus van sant offre une vision très détachée des évènements, ne jugeant jamais les personnages qu’il présente. le film commence de manière assez classique, imitant le format des teen movies en nous présentant une suite de portraits de jeunes, les expériences très différentes que représentent pour eux le lycée. on les suit dans les couloirs de l’établissement sans aucune ellipse, ce qui installe très vite l’impression de se trouver dans un labyrinthe, de tourner en rond dans des endroits qui se ressemblent (van sant dit en interview avoir voulu retranscrire la perspective des jeux vidéo de type doom-like où l’on tire sur tout ce qui bouge). ces points de vue narratifs se croisent parfois, nous faisant revivre la même scène sous trois angles différents, ce qui renforce l’effet de répétition et retarde le déchainement de violence qu’on commence à pressentir avec les portraits des deux futurs meurtriers.

demonstration technique

techniquement le film est irréprochable, une réussite complète dans tous les domaines, la caméra arrive à rendre les personnages qui sont pourtant caricaturaux au possible, très humains voir attachants, même les futurs meurtriers. cadrages, lumières, plans, rien à redire tout ça, est d’un très bon niveau et pourrait constituer une leçon de cinéma. et justement pour moi c’est tout ce que représente ce film : une démonstration technique sans plus de fond. pour la défense du film, on pourrait avancer que la froideur, l’impartialité du regard est là pour servir la réflexion sur un sujet aussi grave. personnellement j’ai très vite vite oublié ce film et il ne m’a pas du tout fait réfléchir mais vu les éloges et la palme d’or qu’il a récolté et sa qualité esthétique, je pense qu’il vaut mieux aller le voir pour se faire une idée et qu’il trouvera une résonance chez un certain public.

objectivité sélective

même si on admet, vu le consensus dans la presse, que ce soit réellement un chef d’oeuvre impressioniste et qu’il soit inaccessible à une certaine tranche de spectateurs dont je ferais partie, même dans ce cas, il y a des gros reproches à faire à ce film : l’utilisation d’internet et des jeux vidéo comme bouc-émissaires : ce ne sont que des mediums, la nra et les magasins qui vendent des armes à n’importe qui n’ont ils pas une part de responsabilité plus importante et plus mesurable ?. de même le fait que les 2 jeunes regardent un programme sur le nazisme et le baiser qu’ils s’échangent sont des éléments d’explication simplistes qui vont à contre courant de la soi-disante introspection et du détachement du film.

les personnages présentés dans elephant, même si la caméra les sublime, sont des archétypes plutôt grossiers et inintéressants, on regarde donc le quotidien de ce lycée au travers de bien belles lunettes, c’est juste dommage qu’elles voient complètement flou. mais le flou peut être artistique et peut être que vous saurez l’apprécier, moi je préfère de loin les lentilles de roger avary qui, avec les lois de l’attraction, offre un vocabulaire cinématograhique aussi ambitieux tout en réussissant à faire passer quelque chose. ou alors les grosses jumelles de michael moore dont le bowling for columbine n’a évidemment pas la qualité technique d’un elephant (héhé) mais qui aura lui réussi à me faire sortir de la salle complètement retourné. citons aussi le récent ken park qui fonctionne lui aussi sur le modèle des portraits d’adolescents. autant de comparaisons en défaveur d’elephant mais à vous de voir, il semble qu’elephant repose sur une certain vision du cinéma qui ne fédèrera pas.

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publié par le 22/10/03