...Eh bien chantez maintenant !

On le savait éminent bassiste et occasionnellement pianiste, formé à prestigieuse école (Chick Corea, Roy Hargrove, Brad Mehldau). Sur Aurora, il chante, plus qu’il ne s’y était essayé auparavant. En anglais, en hébreu, en espagnol (ladino, précisément). Enregistré en quatre jours en France avec sa clique israélienne (pianiste, percussionniste, choriste, oudiste) et en guests les frères Belmondo, l’album cultive ses racines méditerrannéennes, et dévoile comme jamais les singuliers talents de compositeurs du jazzman.

Quoiqu’un peu absconses de prime abord, les partitions astucieuses d’Avishai Cohen se révèlent captivantes au fil des écoutes, observables sous plusieurs angles, un peu comme une toile cubiste. Bien des fois on tentera de battre du pied sur cet album, sans réellement y parvenir - exactement comme on tourne la tête dans tous les sens devant un Picasso. Difficile de détecter une pulsation dans ce piano qui ondoie comme un ressac (Winter song, Shir Preda), fluctue comme un mouvement naturel, émancipé du tempo, en solo (El Hatzipor), avec l’oud en duo (Leolam, Aurora). Les arpèges liquides ça et là s’agrègent en syncopes latino, faisant naître un groove fertile et fiévreux, technique mais récréatif. Instrument de prédilection, la (contre)basse n’est pas en reste et prouve aux mains du maestro qu’elle sait, elle aussi, tenir le premier rôle sans autre artifice (It’s been so long, Still, Alfonsina y el mar).

Un album jazz-world inventif et addictif, classieux, jamais prétentieux.

Un extrait de la très belle session vidéo enregistrée avec Avishai Cohen le 24 février dernier dans les locaux d’EMI à Paris :