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publié par Mickaël Adamadorassy le 07/04/17
Alice Jemima
- Alice Jemima
Alice Jemima

En écoutant Alice Jemima, on se fait la réflexion qu’en cours de route, on avait perdu une certaine idée de la pop. Occultée par les multiples mélanges qui constituent notre quotidien musical, pop mainstream un peu too much façon Britney, pop electro , pop ricaine teintée de R’n’B de Rihanna&friends&foes, pop 80’s, pop electro hip-hop à la Lorde, pop atmosphérique et brumeuse façon the XX ou James Blake. Et Juste pop alors ? ce plaisir sucré voir sentimental de la pop à chanteuse façon The Cardigans, Dido ou jadis Donna Lewis, la satisfaction un peu coupable de s’écouter Torn ou Shiver de Nathalie Imbruglia ou un petit London Rain des familles ?

Minimalisme et sens du groove

Eh bien Alice Jemima... ce n’est pas ça... et en même temps si. D’un côté on ne pourrait pas la confondre avec les chanteuses précédemment citées, tant la production minimaliste est résolument dans l’air du temps : le rythme ce sera un kick et un snare électro, parfois un clap ou un autre son de boite à rythme, l’harmonie est fournie par quelques notes de piano et la guitare d’Alice, sans effets autre qu’une reverb qui sonne très vintage. Et croyez-moi ça donne de petits bijoux pop qui n’ont rien à envier à des artistes plus connu(e)s.

De l’autre, ce minimalisme crée une sorte d’écrin, une rencontre à huis clos avec une voix et les émotions qu’elle véhicule. Un côté intimiste et à fleur de peau qui lui est typique du courant pop évoqué précédemment, parfois on est même dans le "mignon", Alice n’est pas bien vieille pour jouer la femme-enfant mais elle séduit aussi dans ce registre avec une certaine "fraîcheur", une naïveté bienvenue dans Take Me Back et Cocoa Liquor, toutes les deux placées à la fin du disque, comme pour éviter que ce soit cette image là qui ressorte avant tout.

Car il y a surtout chez Alice Jemima, un vrai talent d’écriture mélodique et rythmique du chant, les mots dansent, rebondissent sur les temps, ça groove comme il faut. Prenons le flow sur Liquorice, un des meilleurs morceaux du disque qui pourrait presque servir de démonstration pour expliquer qu’une production n’a pas besoin de remplir 32 piste de cordes et arrangements quand les fondamentaux y sont : 3 notes de piano, un riff joué sur les cordes graves de la guitare, un shaker, un "hun-hun-hun" samplé, un kick, c’est une trame basique mais ça laisse toute la place à la voix qui fait tout le travail de séduction pas seulement par son expressivité, ses nuances mais aussi en jouant avec le phrasé qui est à la limite du hip-hop.

Conte de fée 2.0

Et justement c’est avec une reprise de No Diggity (euh ne vous sentez pas mal si pour vous aussi ce titre de Blackstreet n’évoque strictement rien mais donc c’est apparemment un tube...) qu’Alice se fait connaître. A ce moment-là, le parcours musical de cette jeune anglaise se résume à composer dans sa chambre ses chansons avec une vieille guitare demi-caisse Hoffner et quelques boucles de batterie de Garage Band. La suite reprend les grandes lignes du conte de fée musical 2.0 . Elle diffuse ses productions via Soundcloud et sa reprise de No Diggity va donc buzzer. Il lui apportera 3 millions d’écoute et l’attention d’une bonne fée à la BBC1 , ce qui aidera bien à se faire connaître et à signer pour un premier album qui porte son nom et qui suit son premier EP, Liquorice, publié en 2016.

Voyage intérieur

Comme souvent et pas que lorsque vous passez un entretien d’embauche, les défauts sont aussi les qualités et vice versa. C’est bien pratique d’ailleurs pour trouver une conclusion à cet article, qui soit à la fois un peu critique et néanmoins élogieuse.

Et en plus c’est vrai : il serait facile de passer à côté de la musique d’Alice, il y a une certaine douceur, un côté introspectif et une approche de la production qui fait que pour infuser, les nuances dans la musique demandent qu’on y revienne plusieurs fois, avant de libérer toute leur séduction. On aime beaucoup ce disque pour ça, il faut de la maturité pour jouer des nuances et ne pas tout balancer forte, pour ne pas blinder son disque sous prétexte que le temps et le nombre de pistes ne sont pas limités. Mais on ne peut pas être à la fois dans l’éclat et l’intime, dans l’exubérance et la retenue. Alors pour cette fois c’est déjà très bien mais on aimerait qu’Alice rajoute ces couleurs fauves à sa palette un peu trop James Blakienne peut être.

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publié par le 07/04/17
Informations

Sortie : PIAS
Label : Sunday Best Recording

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